BEIHDJA RAHAL, Sur un air de Nouba (2 CDs), Institut du Monde Arabe/Distrib. Harmonia Mundi

“Nous avons tous entendu cette musique au paradis”, écrivait Roumi à propos de la musique classique arabo-persane, qui s’écoutait à l’époque de Séville à Bagdad en passant par Alger, Fès ou Alep. L’Algérienne Beihdja Rahal poursuit son infatigable travail d’enregistrement des Noubas, les suites musicales lyriques qui nous restent de l’héritage musical médiéval du monde arabe, pendant son âge d’or en Andalousie. Ces compositions de plusieurs pièces ont été transmises oralement pendant des siècles, et sont à présent consignées par écrit, notamment grâce au travail remarquable des musiciens algériens juifs du début du XX° siècle, tels Edmond Yafil. Mais certaines, à cause de cette transmission longtemps orale, sont incomplètes – un peu comme s’il manquait le 3° mouvement d’un concerto, ou les Actes 1 et III d’un opéra.
Cet album présente la Nouba M’djanba, ou “Suite Antérieure”, dont subsiste presque la totalité, et la Nouba Mazmûm, qui est l’un des modes de la musique classique andalouse, dont ne subsistent que trois de la douzaine de pièces qui la composaient. A l’écoute de l’album, et après avoir écouté le trio Chemirani, spécialisé en musique classique persane et qui accompagne parfois des musiques médiévales, on se rend compte que les percussions accompagnant le chant et les instruments mélodiques – ‘oud, kwitra (petit ‘oud), mandoline, violons altos et cithare – jouent des rythmes lents, de marche, que l’on entend aussi dans les musiques occidentales médiévales.
La plupart des Noubas ont pour sujet l’amour, exactement de la même manière que la plupart des opéras en Occident sont des histoires d’amour. Et, de la même manière que Bach ou Mozart restent toujours programmés dans les concerts en Occident, et ont quelques pièces connues de tous (voir les Italiens qui connaissent par coeur des airs d’opéras de Rossini ou de Verdi), la musique andalouse classique reste populaire de nos jours et a pareillement ses “best-sellers”, chansons d’amour vieilles de plusieurs siècles que l’on connaît et chante par coeur, comme la célèbre “Ya men saken sadri” (Ô toi qui habite mon coeur), et que l’on entend parfois chantée dans les fêtes de mariage de nos jours, tirée de la Nouba Mazmûm .
Voici, pour vous donner une idée du climat torride des poèmes d’amour dans l’Andalousie arabe, les paroles de la première chanson (les autres sont du même acabit) de la Nouba M’djanba, pour ceux qui croient encore que la culture musulmane est synonyme de rigueur et de morale stricte, et que les joues “couleur de rose” et les “dents de perles” se sont toujours cachées derrière des voiles noirs… :
“Mon coeur s’est épris d’une gazelle de Turquie
Sa joue, couleur de rose, a la senteur du musc;
Elle a des yeux pour rire et les miens sont pour pleurer.
Ses regards ont attisé les feux de ma passion.
Je lui ai dit: ô ma gazelle, aux yeux si noirs
Sois généreuse et à tes lèvres laisse moi boire
Et tes dents de perles laisse moi admirer.
Elle se ploya comme un tendre rameau
Puis me jeta un regard et me repoussa
Alors que ses yeux clairs causaient mon trépas.
Tout doux, ma gazelle, lui dis-je, tes yeux m’ont asservie,
Tu es la reine des belles, alors prends soin de tes sujets”.
(Et on vous passe les innombrables métaphores, comme celle du vin qui enivre, jumelles en tout point – qui a parlé de clash des civilisations? – du célèbre air “Verse moi l’ivresse” de l’opéra “Samson et Dalila”, de Saint-Saëns… ).
Ecouter Beihdja Rahal chanter cet extrait de Nouba M’djanba:
http://www.youtube.com/watch?v=1FHkK-41d18
www.beihdjarahal.com
Via http://www.babelmed.net/Pais/M%C3%A9diterran%C3%A9e/muzzika_mars.php?c=6492&m=34&l=fr

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