Les regrets de Madjid Soula et les souhaits d’El Djorf

7e Festival national de la chanson et de la musique amazighes de Tamanrasset
Madjid Soula regrette la domination de l’esprit commercial sur la chanson d’expression amazighe actuellement en Algérie.
Lundi soir, Madjid Soula est remonté sur la scène du Festival national de la chanson et de la musique amazighes de Tamanrasset, trois ans après sa dernière prestation. Il est revenu présenter des extraits de son dernier album Samia sorti en 2014. Accompagné de ses musiciens habituels, Madjid Soula a chanté sans forcer le trait ni rajouter du son. Un chant vrai enveloppé d’émotions et d’authenticité. L’interprète de Massinissa et de Icharqed yitij a veillé à alterner ballades et chant rythmé
«Je veux chanter dans tous les villages d’Algérie parce que je pense que je suis là pour donner du plaisir au public. Ici, j’ai trouvé une sono à l’américaine. Il n’y a que des professionnels. J’en suis fier», a déclaré Madjid Soula après son spectacle. Son dernier album comporte une quinzaine de titres. «J’ai mélangé les rythmes orientaux avec des rythmes kabyles. Dans mon jeune âge, j’ai été bercé par Farid El Atrache, Oum Keltoum et la grande musique égyptienne.
Il y a un peu de tout dans cet album, dont deux chansons consacrées au football et une autre racontant l’histoire d’un homme souffrant de l’exil et souhaitant s’installer dans le Hoggar pour retrouver la paix», a-t-il affirmé. Il a annoncé la sortie d’un coffret de CD de 150 chanteurs internationaux produits par Radio Nova (une radio française).
De l’Algérie, les producteurs n’ont retenu que Dahmane El Harrachi et Madjid Soula. Madjid Soula a souhaité le retour de certains chanteurs et groupes qui ont marqué l’histoire de la chanson d’expression kabyle. Il a cité Sofiane et Izorane. «Tous les chanteurs qui ont fait un bon travail ont été mis de côté. Aujourd’hui, on pousse les jeunes à faire n’importe quoi, rien que pour dire que la chanson kabyle est là. Pour moi, la chanson kabyle, c’est Chérifa, Idir, Aït Menguellat et d’autres artistes.
Et la chanson amazighe va de la Mauritanie à la Libye. Certains jeunes chanteurs font des choses de qualité. Mais il ne faut pas tomber dans la facilité, car cela détruit l’image de la chanson kabyle. Par le passé, les éditeurs de musique choisissaient les chanteurs pour leur talent. Aujourd’hui, seul prime l’esprit de l’argent. Ces gens-là ne sont pas en train de rendre un service à la chanson algérienne. Ils sont en train de tout détruire», a-t-il dénoncé. Le style daynane des monts Chenoua prend d’autres couleurs avec Mahoud Ouhaoua, le chanteur de la localité maritime de Beni Haoua, à l’ouest de Cherchell.
Les parfums marins étaient bien là dans la musique de Mahfoud Ouhaoua, de son guitariste et chanteur aussi Ali Ibahriyen et des autres musiciens, lundi soir à Tamanrasset. «Nous voulons sauvegarder ce que nous ont laissé nos ancêtres. Daynane est un air qui nous a été transmis d’une manière orale. Il n’existe pas de partitions écrites. Nous avons quelque peu modernisé cette musique qui, à l’époque, était exprimée par el guesba et el guelal. Nous avons également mis nos propres paroles dans les chansons», a expliqué Mahfoud Ouhaoua. L’artiste s’est déplacé à Gouraya et à Chenoua pour mieux apprendre le style daynane «dévoilé» dans les années 1980 par le groupe Ichenwiyen.
Sur scène, Mahoud Ouhoua a donné trois saveurs au daynane, kabyle, authentique et targui. Les trois chansons étaient «construites» autour de la percussion, mais aussi d’une certaine mélodie mélancolique. La troupe de guesba d’El Djorf est venue des Aurès rappeler la tradition du rahaba en interprétant notamment le célèbre Lesouad Magroni. «Attention, cet héritage est en train de se perdre, de disparaître. Faites quelque chose pour sauver le rahaba», nous a déclaré Brahim Boussaha, leader du groupe.
Le groupe El Djorf, qui existe depuis les années 1970, et qui est constitué de deux chanteurs, d’un choriste, de deux joueurs de guesba et deux percussionnistes, puise sa musique dans plusieurs styles, parfois peu connus, de l’Est algérien comme le hadjaba, le rokroki, le laâbidi, le sraoui. «Nos jeunes doivent assurer la relève et sauvegarder ce patrimoine musical. Notre joueur de guesba a 87 ans et est toujours sur le terrain. Nous avons espoir puisque des jeunes qui apprennent le jeu de la guesba se débrouillent pas mal.
Toutes nos chansons, paroles et musique ont été transmises de génération en génération», a-t-il ajouté, disant n’être pas gêné par l’introduction du clavier dans les chants de guesba et de bendir. Le groupe Imzad de Tamanrasset a clôturé sa soirée avec un concert électrique avec basse et guitare comme le veut la tradition du «blues du désert», selon le qualificatif donné par Denna Bay, leader du groupe.
Les six musiciens, accompagnés d’une choriste (ce qui est nouveau pour les groupes interprétant le style guitara dans l’Ahaggar) ont interprété des chansons des albums déjà produits. Le public a adhéré puisqu’il semblait bien connaître certains titres de ce groupe qui porte le nom d’un instrument qui n’est joué que par la femme targuie et qui a été classé par l’Unesco. Le groupe Imzad a été créé il y a quatre ans au sein de l’association dirigée par Mme Sellal à Tamanrasset.
«L’imzad est le symbole de notre culture et l’esprit de notre musique. Notre prochain album, dont la sortie est prévue incessamment, contient une chanson dans laquelle nous avons introduit l’imzad. Cet instrument véhicule à travers la musique et les poèmes qui l’accompagnent un message : la paix et l’amour», a estimé Denna Bay.
Fayçal Métaoui
El Watan 24 12 2014

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