Tel un brasier, Amazigh, le digne fils de son père Kateb Yacine, le légendaire Kablouti, a mis le feu dimanche dernier aux planches du grand chapiteau du Hilton.
L’artiste rebelle et incandescent a fait germer dans cette poudrière humaine qu’est devenue la salle, un vrai vent de folie et de liberté, comme lui seul sait le faire. 21h30 la khaïma de l’hôtel Hilton est déjà bondée de monde. A 22h30 des files de voitures arrivent en masse tandis que des jeunes gens continuent à affluer à pied. On peut dire que le public, fort nombreux, a eu pour son argent ce soir-là (accès à 1000 DA).
En première partie, un écran géant est placé au niveau de la scène permettant aux amateurs de foot d’apprécier le match Barça contre Madrid avant l’entame du concert tant attendu vers 23h. Quand Amazigh est là, on craint le pire. Une armada d’agents de sécurité à été dépêchée pour la circonstance, barrières comprises. Exit les poufs et les tables, tout le monde sera debout! C’est la consigne et tout le monde a répondu présent.
L’arrivée de Amazigh suscite un grand enthousiasme parmi la foule compacte. Environ 3000 personnes se sont déplacées ce soir-là. Les spectateurs ont cette étoile dans les yeux qui fait chavirer un homme. Le charismatique bonhomme est un artiste irrévérencieux, au verbe aiguisé. Un agitateur de conscience pétri d’intelligence. Un poète des temps modernes, un séducteur né qui sait ameuter les foules.
L’exemple de février dernier à la place du 1er-Mai est un fait patent! Amazigh, à la tignasse coupée, est accompagné de sa nouvelle formation à l’exception de Ptit Moh au mandole, son fidèle compagnon de route. D’ailleurs, il est dit que le groupe Gnawa Diffusion va se reformer d’ici un an.
L’intro se fait electro à l’aide d’un DJ au platine. Amazigh va égrener un par un les titres de son dernier album Marchez noir dont Bonjour ma vie, bonjour ma tristesse, poème chanté et adapté d’un texte de son père, I wanna tcheeflay, Moussiba, Koma, Dounya, chante avec moi, sans Hisotire, Amral’guerba, etc. Avec Amazigh on ne sait jamais où va le tempo.
Le rythme part en flèche et la cadence prend souvent des allures de vertige. Le son est un mélange de chaâbi, dub électrique, assaisonné parfois à des airs raï, ragga et chaoui. Le reggae pour faire monter la mayonnaise est bien entendu là, l’âme même de ses chansons. Sur cet album, la musique s’adoucit un peu pour laisser place à la force du verbe incisif. L’artiste baroudeur et provocateur à souhait, chante des textes satiriques profondément vrais et touchants. S’il crie, saute, se défoule tel un enfant, ceci est loin de nous faire oublier les textes qu’il se plaît à interpréter et qui sont pétris de poésie satirique puissamment riche et qui ne peuvent laisser par conséquent indifférent. Des textes cruels, sombres, parfois drôles, mais toujours acerbes.
«Alger porte le voile la journée et fait peur le soir»… chante-t-il en arabe… et un peu plus loin en français: «L’Algérie est une figue de barbarie»… rêche de l’extérieur mais tendre de l’intérieur comme il se plaît souvent à dire. Quand Amazigh prend le gumbri et se met à jouer, c’est pour invoquer notre africanité, Bambara et ses saints. Le karkabou fait aussi partie du décor. C’est carrément l’hystérie dans la salle. Le maestro du gumbri se délecte en glissant sur la manche de son instrument (le gymbri) comme ferait Jimy Hendrix sur sa guitare!
A la manière d’un Zola et son fameux «J’accuse» l’artiste laisse ployer ses mots tel un aigle, traduisant tout le malaise et l’injustice sociale dans lesquels baigne le pays. Il harangue la foule qui le suit au doigt et au poing levé. Il fustige, dénonce. Ses chansons sont un brûlot contre le système de la hogra et de la mondialisation.
Les filles n’en finissent pas de balancer leurs cheveux en totale communion avec l’artiste dont la musique est une belle tempête à vous mettre littéralement en transe. Il est une heure du matin passée. On aurait dit que le concert venait de commencer. On n’a pas vu le temps filer. Amazigh, plus que jamais aussi chaud que la braise, ne reste pas en place. La scène est sa meilleure tribune pour s’exprimer… Son alliée.
Il est l’heure de reprendre quelques titres phares du groupe Gnawa Diffusion. Après Bab El Oued Kingston récemment, c’est autour de Douga douga et Je voudrais être un fauteuil notamment pour boucler la soirée en beauté.
Si la qualité artistique de khaïmetkoum chez Djezzy reste indéniable et l’organisation impeccable, un seul bémol cependant à signaler, il est regrettable qu’on n’ait pas pensé à organiser un petit point de presse après chaque spectacle comme c’est le cas dans la plupart des festivals dans le monde.
Par O. HIND – Mardi 16 Aout 2011
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AMAZIGH KATEB À KHAÏMETKOUM CHEZ DJEZZY Le vertige du contestador
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