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Amazigh Kateb : "Gnawa Diffusion recommencera bientôt à tourner"

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Chanteur et musicien insoumis, vigilant et indigné, Amazigh Kateb est né dans la région d’Alger, en 1972. Fils de l’écrivain et dramaturge Kateb Yacine (1929-1989), il donne son dernier concert de 2011 au festival francilien Africolor. Il y reprendra le répertoire de Marchez Noir, album autoproclamé, lors de sa sortie en 2009, « manifeste pour l’amour, la révolution, le rire, la danse, la sueur et la résistance ». Ces chansons poursuivront leur vie sur scène début 2012, avant réactivation de Gnawa Diffusion, le groupe énergique mixant rock, reggae et musiques du Maghreb, créé en 1992 à Grenoble par Amazigh Kateb.
Pourquoi ce faux départ de Gnawa Diffusion ?
Après quinze ans d’aventure commune, j’avais besoin de régler ce que j’avais laissé en suspens, la vie de famille par exemple. Je vivais à quasi 100 % pour la musique. Il y a un moment donné aussi où gérer une équipe devenait lourd, c’était un frein à ma propre création. Mais, bizarrement, depuis que je suis seul, j’éprouve la nécessité de revenir à un travail collectif.
Je vais continuer de donner des concerts avec mon projet personnel jusqu’en avril et ensuite nous commencerons à tourner avec Gnawa Diffusion. Nous sommes actuellement en studio à Grenoble pour préparer le nouvel album. Ce sera le sixième. Le dernier, Fucking Cowboys, était un live, sorti en 2007, année de notre séparation.
Quelle sera la veine de ce nouveau projet ?
Il ne s’agit évidemment pas de jouer la carte de la nostalgie et de refaire les choses à l’identique. Il va y avoir de nouvelles sonorités, mais je suis toujours dans la même dynamique, les mêmes trucs qui me font marrer, me tiennent à coeur ou me révoltent.
Il y a des textes plutôt politiques, en arabe, en français, en kabyle – que je ne parle pas -, et qui sont virulents par rapport au tournant qu’a pris le monde arabe, à la montée de la religion. On est libre de vivre sa vie sans que la religion vienne régir notre quotidien. Qu’elle reste là où elle doit être, c’est-à-dire une histoire de croyance personnelle. Si, aujourd’hui, il se passe le contraire de ce que les révolutions arabes auraient dû apporter, c’est que les régimes qui ont précédé ceux qui viennent de gagner étaient tellement vides qu’ils ont laissé un espace énorme.
Y a-t-il d’autres sources récentes d’énervement pouvant vous inspirer l’écriture de chansons ?
Je suis énervé face à l’année coloniale qui vient de passer, notamment par rapport à la Libye, où l’on a acheté des anciens de Kadhafi pour créer de toutes pièces une insurrection. Les frappes de l’OTAN, qui ont provoqué de nombreux morts, sont à mon sens injustifiables et hors-la-loi. Selon la loi internationale, il n’y a de droit d’ingérence dans un pays que si celui-ci le demande à un pays tiers. Ce n’était pas le cas. Pour moi, la Libye, c’est l’Irak de la France. Un scénario que l’on connaît.
Tout cela donne du grain à moudre à quelqu’un comme moi qui cherche à raconter des histoires. Il y a tellement d’aberrations et de crimes commis.
Le nouvel album de Gnawa Diffusion sera-il donc clairement porteur de messages ?
Oui, parce les textes traduisent des positions tranchées. Nous le sortons pour fêter nos 20 ans et le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie. Ce sera donc l’occasion de remettre en question un certain nombre de points concernant les circonstances de notre indépendance. Nous allons aller à la rencontre des gens au Maghreb, et notamment en Algérie, après la sortie de cet album. J’aimerais y faire des sortes de happenings interactifs à propos de l’indépendance, incluant du théâtre.
Pourquoi l’Algérie n’a-t-elle pas eu, elle aussi, son « printemps arabe » ?
Je précise d’abord que je ne me reconnais pas dans cette expression médiatique fabriquée, ni dans cette terminologie romantique de « révolution du jasmin ». Une révolution, c’est aussi beaucoup de douleur, de sang et de morts, il ne faut pas l’oublier.
Les Algériens sont prudents. On ne va pas les avoir deux fois. Ils ont déjà payé très cher. Mais quand ce prétendu « printemps arabe » a commencé à la fin de 2010, ça a aussi commencé à « friter » en Algérie. Il y a eu plus de 10 000 manifestations et émeutes. Si ça ce n’est pas une putain d’année insurrectionnelle ! p

Amazigh Kateb, festival francilien Africolor, théâtre Gérard-Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis, 59, boulevard Jules-Guesde, Saint-Denis (93). Tél. : 01-48-13-70-00. Samedi 10 décembre à 20 heures, 15 euros.
Marchez Noir, CD Iris Music/Harmonia Mundi.

10.12.11 | Propos recueillis par Patrick Labesse
http://www.lemonde.fr/

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