Aziz Sahmaoui entremêle les musiques

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Quarante-cinq minutes pour convaincre. Cela a suffi. Avant son passage à Banlieues bleues, le 2 avril, le chanteur et musicien marocain Aziz Sahmaoui donnait un avant-goût de son premier album en ouverture de la 7e édition de Babel Med Music, à Marseille, du 24 au 26 mars. S’accompagnant d’un n’goni (le luth malien) ou d’une mandole, Aziz Sahmaoui, entouré de musiciens de haut vol (dont le guitariste Hervé Samb et le bassiste Alioune Wade), reçoit un accueil enthousiaste.
Chanteur intense, dont la bouille sympathique et le sourire doux sont déjà un atout, Aziz Sahmaoui interprète ses textes en arabe. Ils parlent d’amour et d’humanisme, de partage et d’espoir. Le monde disloqué et les faux pas des hommes (“Pourquoi il pleut des braises ?”, entend-on) le consument de l’intérieur.
Aziz Sahmaoui est un rêveur. Lorsqu’il a quitté le Maroc pour la France, en 1984, c’était, affirme-t-il, “pour rencontrer les anges” – on lui avait dit que la France était le pays des anges. Il visualisait les Français blonds, costauds, et pensait pouvoir un jour “boire une bière librement en terrasse avec eux”. Il ne les a toujours pas croisés.
La quête du musicien a été moins improbable que celle du rêveur égaré dans les brumes de la naïveté. En 1995, Sahmaoui participe à la formation de l’Orchestre national de Barbès (ONB). Deux albums plus tard, il s’émancipe de ce collectif à succès pour aller vers d’autres projets. Il joue avec Karim Ziad, Nguyên Lê, Sixun… Le pianiste et claviériste de jazz autrichien Joe Zawinul, mort en 2007, l’intègre à son groupe Zawinul Syndicate. Une expérience déterminante.
“Travailler avec Joe a été une école formidable, au niveau de l’écoute, de la vitesse d’exécution, de l’endurance.” Zawinul lui a peut-être transmis sa précision. “Quand Aziz est venu me voir avec ses maquettes du disque, tout était calé. Il n’y avait plus qu’à faire sonner ce qu’il voulait”, confie Martin Meissonnier, le producteur de l’album, qui avait invité Sahmaoui sur le dernier disque de Khaled.
Imprégné de tradition (la moitié des titres de l’album s’en inspirent), Aziz Sahmaoui trouve la voie de nouveaux métissages avec ses compagnons de route, férus, comme lui, de fusion entre jazz, funk, reggae et rythmes d’Afrique. Il aborde le chaâbi, rapproche deux styles de transe, le gnaoui et le “hit” haletant du sud de l’Atlas.
“Cela n’avait jamais été fait”, affirme le musicien, motivé à rénover les genres traditionnels dans lesquels il a baigné au cours de son enfance à Marrakech. “Certaines de mes chansons étaient déjà pensées à l’époque de l’ONB, mais je préférais attendre.” Les garder pour le jour où il monterait son propre projet et déciderait seul ce qu’il voulait en faire. Comme dit un proverbe arabe, rappelle le musicien : “Seuls tes ongles peuvent bien gratter ta peau.”

Aziz Sahmaoui & University of Gnawa. Le 2 avril, à 20 h 30, au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) avec le guitariste et chanteur nigérien Bombino ; le 13 mai à Rouen (Hangar 23) ; le 24 à Paris (New Morning). Puis festivals d’été.
CD “Aziz Sahmaoui University of Gnawa”. General Pattern/Socadisc (en mai).

Patrick Labesse Article paru dans l’édition du 01.04.11 LeMonde.fr

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