DOCUMENTAIRE L’AFRIQUE DANSE ET ALGER RIT DE ALI AKIKA Panaf, état des lieux

Le film oscille entre rappel historique cuisant et présent lumineux à côté d’un vécu pas très reluisant..
Après «Le Film» d’après le ministère de la Culture, sur le deuxième festival panafricain à savoir Africa is back, film coréalisé par Salem Brahimi et Chergui Kharroubi, L’Afrique danse et Alger rit est un autre documentaire portant sur l’événement-phare de l’été 2009, à Alger. En exclusivité, pour vous, nous avons vu cet autre film (52 mn), de Ali Akika qui lui, n’a pu être projeté en salle, et pourtant, programmé dans le cadre du volet Cinémusique au récent festival Diwane, mais plutôt écarté par les bons soins dudit ministère de la Culture. Dans le même cas se situe le film du réalisateur oranais Hadj Fitas, lié au domaine du 7e art et intitulé à juste titre L’Afrique fait son cinéma à Alger. Ce dernier a fini tout de même par être projeté en mois de mai, mais devant un parterre très réduit. Compromise, une programmation aléatoire a dissuadé plus d’un à venir. Récapitulons: il existe donc trois films sur le Panaf mais un seul officiel et donc habilité à être montré sur les écrans algériens. Question: quel sera le sort du film de Merzak Allouache filmé sous trappe en plein Panaf? Mais revenons au vif du sujet. L’Afrique danse et Alger rit est un film qui pose un regard personnel sur l’Algérie postindépendance, au coeur du Continent africain. Quarante ans après le Festival panafricain d’Alger de 1969, l’Algérie décide à nouveau de donner rendez-vous au continent africain. Muni de sa caméra vidéo, le réalisateur algérien installé en France, Ali Akika s’aventure alors à tourner des images dans la capitale algéroise, désormais lieu de rencontre et de discussion autour de la place de la culture dans la construction d’un pays. En prélude au film, l’ouverture se veut sans appel, la politique culturelle, symbole d’ouverture, tant espérée et chanté lors du Panaf de 1969 a échoué. Son absence a engendré l’obscurantisme et tant d’autres maux sociaux bien gravés au sein de notre société. Les images d’Octobre 1988 sont relayées par celles des archives de journaux mettant à la une le massacre de milliers de citoyens par la horde intégriste. Le film oscille entre rappel historique cuisant et présent lumineux…Le Festival Panaf sert, selon l’écrivain-footballeur camerounais Eugène Ebaudé, à «réalimenter la machine» (de la culture dans les pays africains Ndlr). Les images de parade des 41 pays africains reviennent comme un leitmotiv, un signe d’une Afrique soudée indubitablement et d’un échange partagé spontanément, sans aucun artifice..«Nous devons, aujourd’hui, se libérer de nous-mêmes et de nos idées archaïques», confie l’écrivain Rachid Boudjedra.
L’homme africain dans la tourmente
Tandis qu’Amazigh Kateb chante à l’Esplanade de Riad El Feth le superbe poème de son père Bonjour ma vie, appuyé de moments de joie chez le public, le fléau de la harga fait rage et sonne comme un appel au secours d’une génération en détresse, dont le cri tombe et tombera comme une pierre dans la mer, vainement à tout jamais. A côté, enfants, jeunes garçons et filles dansent, font la fête, dont ceux des banlieues, notamment à la Grande-Poste. Des filles algériennes évoquent leur rêves et frustrations. Elles ont grandi sur les plages de Club de pins, aujourd’hui elles se font embêter sur la plage. «La population a changé», dit l’une d’entre elles. Réalité ou frivolité? A côté, il y a pire, me diriez-vous? A la liberté des nations africaines sonne le glas de la liberté de pensée. Une revendication chère à Frantz Fanon. Qu’à cela ne tienne, alors que la musique fait son plein, le soir, un groupe de jeunes désoeuvrés crie à la cherté des pommes de terre, dans l’indifférence totale des policiers…L’homme africain dans la tourmente. Nouri Bouzid confie avoir réalisé son court métrage Errance dans le sens de provoquer le Tunisien qui, selon lui, est raciste. Pour l’écrivain Yahia Belaskri l’appellation «homme noir» relève souvent d’une connotation péjorative. Gros plan sur la résidence d’écriture des 11 écrivains africains, puis le colloque sur la littérature et les mythes en Afrique. Si Sofiane Hadjadj, écrivain et éditeur à Barzakh dénonce la crise de l’imaginaire, souvent ligotée chez nous, le romancier et dramaturge Mohamed Kacimi fait remarquer qu’à force de croire en nos mythes, on oublie notre histoire. Et Anouar Benmalek de tonner: «Combien de nos mythes sont faux!» Et l’écrivain sud-africain André Brink de dire: «Il ne faut pas s’isoler du monde, mais amplifier notre mémoire…» Dans un sursaut de colère, l’ex-directeur de la Cinémathèque algérienne, Boudjemaâ Kareche, ému, dénonce sa fermeture en plein Panaf et de crier son indignation avec dépit: «Heureusement que Bouamari, Sembene Ousmane, Yousseh Chahine sont morts!», puis il se lève et part…Les témoignages sur une Afrique blessée et délaissée sont là implacables. Eugène Ebaudé affirme qu’«on a toujours voulu voir l’homme noir rampant». Mais l’espoir fait vivre, semble sous-entendre André Brink. Et cette autre fille de souhaiter «décoincer un peu les Algériens et voir plus d’animation dans les rues». La mer, le soleil, des femmes en deux-pièces ou voilées nageant, la Casbah, et puis ces milliers de familles marchant dans la nuit, ou vaquant à leurs occupations, bref, Alger dans son train-train routinier en plein mois de juillet 2009 et puis enfin ces jeunes en désarroi, à l’éternel sourire, symbole d’un lendemain enchanteur…
Jeunesse, sourire et résistance
La résistance par le sourire! Que reste t-il des promesses de 1969? Quelle Afrique offrir en héritage à cette nouvelle génération si la précédente a été sacrifiée, comme on dit, sur l’autel de la tragédie nationale? Quelle population pour une Afrique nouvelle? Et surtout à quand une Afrique qui bouge réellement? pensons-nous. «Quand j’ai appris que l’Algérie allait organiser le 2e Festival panafricain, les images du mythique film de William Klein m’ont traversé l’esprit. Immédiatement, cet esprit a commencé à vagabonder pour imaginer ce que peut être un film dans le même pays, mais 40 ans plus tard. Il y a l’évidence du temps qui a passé dans les villes, les forêts et les déserts de l’Afrique, cet immense continent. Il fallait ne pas oublier la culture de la résistance (chère à Frantz Fanon) qui a contribué à la libération de la quasi-totalité des pays africains. Et dans cette logique de l’histoire en marche, il me fallait penser aux nouveaux défis auxquels est confronté l’ensemble des pays africains. Dans cette rude confrontation, quelle est la nature et le rôle de la culture pour conquérir un avenir où le soleil de l’Afrique ne sera plus caché par les ténèbres de la nuit coloniale», confie Ali Akika. Et de préciser: «Comme toujours, il y a un petit décalage entre les mots que l’on couche dans un scénario et la réalité que l’on filme sur le terrain. A mon grand étonnement, ce décalage n’était pas si important car comme il y a 40 ans, j’ai trouvé que les rues d’Alger étaient embellies par la présence des défilés de ces artistes, femmes et hommes mêlés et souriants sous la lumière unique des anges de la baie d’Alger. En donnant la parole à des anonymes et à des écrivains, j’ai voulu montrer que la mémoire alliée à l’intelligence peut faire triompher l’espérance».
O. HIND

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