Essaouira : ECOLE de la Musique GNAOUA. Une première

Le Maâlem Abdeslam Alikane à l’honneur
YERMA Gnaoua, la première école de la Musique Gnaoua au Maroc, une initiative bien particulière du genre, est ouverte à Essaouira. Elle est encadrée par le grand Maâlem souiri Abdeslam Alikane qui dirige l’établissement en cours, par ailleurs, en train de s’organiser. Réalisée dans le cadre de l’INDH, sous l’impulsion et la bonne implication d’André Azoulay, président de la Fondation Essaouira Mogador et de l’ex- gouverneur Abdeslam Bekrate, qui a marqué son passage en lettre de noblesse dans la province, l’école Gnaoua a pu se réaliser, enfin.
Abdeslam Alikane est un maâlem pas du tout comme les autres. L’homme est très poussé vers la culture, jouit d’une grande ouverture d’esprit, grand jaloux de la préservation du patrimoine gnaoua. Il est d’ailleurs l’un des initiateurs du Festival Gnaoua d’Essaouira dont il reste toujours le directeur artistique, responsable de ses confrères maîtres gnaouis. Lorsqu’on discute avec Abdeslam Alikane, on sent que « Tagnaouite », comme il aime appeler la musique gnaoua, fait partir de lui-même et à laquelle il donne tout et il est prêt encore à tout donner.
Pour l’histoire, Abdeslam Alikane a constitué son premier groupe gnaoua, à l’âge de 12 ans. Lors d’une fête scolaire à l’occasion de la fête du trône de 1971, il a été primé par 10 DH, une fortune dira-t-il pour un élève. Ce geste le pousse et l’encourage alors à s’impliquer plus dans la musique Gnaoua. Il est à savoir également que son frère Mohamed, ami intime de Abderrahmen Paka avaient initié directement le jeune enfant dès l’âge de 9 ans, époque où il écoutait la musique gnaoua et jouer en cachette le gambri, dans sa maison parentale.
Depuis lors, c’est parti pour de bon, pour une passion de la musique gnaoua à laquelle elle est liée corps et âme. Maâlem Alikane, est le premier grand maâlem gnaoua qui a initié l’esprit de la fusion entre la musique gnaoua et la musique occidental, celle de la World Music, particulièrement, en Europe. La première fusion était réalisée en France en 2000 avec Ray Lama et la sortie d’un CD «  SAAFI » qui est toujours apprécié. D’ailleurs cette fusion avec Ray Lama a duré quatre ans, avec des concerts un peu partout, en Europe et au Canada. La musique gnaoua en est sortie bien aguerrie, bien appréciée et plus recherchée.
D’ailleurs c’est la fusion gnaoua avec les musiques du monde, bien illustrée par le Festival Gnaoua et des Musique du Monde, qui en est cette année à sa 13 ème édition, va parachuter la musique gnaoua dans de nombreux espaces culturels et musicaux, à l’échelon de nombreux pays et encore plus au Maroc. Le grand pianiste américain Randy Weston était le premier artiste américain à réaliser des fusions avec différents maâlem gnaoua marocains et des tournées aux Etats Unis très réussies permettant à la communauté noire américaine de redécouvrit la musique gnaoua, version marociane, lui rappelant ses origines africaines et lui permettant des transes phénoménalement inédites.
Avec l’ouverture de l’Ecole Gnaoua d’Essaouira, sous la direction du maêlem Alikane, avec la participation de sa troupe Tyour Gnaou. Un nouveau souffle, grâce à une bonne implication de Nabil Gharobi, gouverneur de la province d’Essaouira, vient d’être donné pour la relance de la concrétisation de Yarma Gnaoua, pour conservation mais aussi pour la formation des jeunes générations à cette musique qui est bien particulière au Maroc. D’origine africaine, la musique gnaoua a trouvé au Maroc une terre de prédilection à tel point qu’elle surprend agréablement les africains eux-mêmes, notamment au Mali, Ghana, Tchad, Sénégal etc…, dans sa version purement marocaine, inédite et inégalable.
L’un des grands avantages, par ailleurs , de l’organisation du festival Gnaoua, est d’avoir permis l’émergence de cette musique, bien ressuscitée de ses cendres et hisser actuellement au niveau d’un patrimoine musical non seulement marocain ou africain mais mondial aussi. Dans sa version actuelle, la musique gnaoua n’existe qu’au Maroc ; c’est ce qui a donné une dimension internationale au festival Gnaoua d’Essaouira, qui connaît d’année en année un afflux considérable. Il faut dire aussi que la musique gnaoua s’adresse au fond de l’être humain, ses rythmes vous prennent d’une manière incroyable. Les rythmes vous envahissent, notamment avec le fameux Gambri et ses notes magiques et envoutantes, jusqu’à ne plus vous relâcher.
La musique gnaoua s’attire également beaucoup de monde, car ses paroles sont toutes cadrées dans des incantations religieuses, louage à Dieu et son prophète Mohamed. Pas un mot déplacé, tout est correct et respectueux de l’Islam, de l’homme, dans un esprit qui se veut avant tout spirituel, s’adressant à l’âme et essayant de la libérer avec les fameuses transes des « Lilla gnaoua »,encadrées par les « M’Louk » qu’il faut vivre pour en saisir l’impact sur l’individu. C’est tellement fort et indescriptible, une expérience des plus profondes, animée à travers un rituel bien chronométré et orchestré qui débute en soirée et ne se termine qu’à l’aube.
L’Ecole Yerma Gnaoua d’Essaouira est donc une occasion pour perpétuer ce grand patrimoine Gnaoua, le valoriser encore et permettre des recherches approfondies qui vont conduire à mieux le connaître, donc à mieux l’apprécier encore. Aguerri par des participations à des formations qu’il a animées en compagnie des Tyour Gnaoua, en France en Normandie et à des concerts au Brésil, à Salvador de Bahi ou à Rio de Janéro, Abdeslam Alikane rumine à chaque fois l’idée de la création d’une école gnaoua à Essaouira.
C’est désormais, parti, mais cela demande encore un grand soutien de la part du Conseil Communal d’Essaouira, des Autorités, du ministère de la culture et du Conseil régional de Marrakech El Haouz, des mécènes aussi, entre autres… L’initiative est unique en son genre, il faut lui assurer tous les ingrédients nécessaires à sa réussite. Essaouira a besoin d’un bon complexe culturel, des salles d’expositions, des salles pour des répétitions artistiques ( Gnaoua, théâtre, et autres). La convention signée en 2007, pour l’Ecole Gnaoua, vient d’être relancée avec un engagement de tous les partenaires, pour un lancement définitif de cette institution. On ne peut que s’en réjouir.
Il y a un aspect très intéressant que les gens ne connaissant pas sur Maâlem Abdeslam Alikane. L’homme a entamé depuis quelques années des recherches sur les origines et les pratiques de la musique Gnaoua. Cet intérêt a commencé en 2000, avec sa participation au festival du désert à Tambouctou. Les premiers mots gnaouis lui ont été expliqué par le grand artiste africain Ali Farkatoré, dont le mot «  Kinjoba » bien utilisé par les gnaoua, et qui signifie d’une déclaration d’amour. Les gnaoua le font dans le cadre purement religieux, amour et adoration de Dieu, de son prophète Sidna Mohamed.
C’est ainsi que Abdeslam Alikane s’est mis dans la tête de commencer à traduire le répertoire gnaoua, notamment les mots communément utilisé par les maâlem gnaoua. Il découvrit ainsi que quatre dialectes dominent. Celui de Tagnaouit, le Peul, le Tamanach et le Bambara. Une grande tournée en compagnie de Ray Lama avec une participation du CCF, va le conduire au Niger, Bourkina, Ghana, Togo, Mali, Côte d’Ivoire, où il va jouer avec sa troupe et où le Guembri marocain, le répertoire gnaoua et la « Hadra gnaouiya » vont faire un ravage spirituel et physique chez nos frères africains. Ces tournées vont donc pousser maâlem Alikane à s’intéresser encore plus à ses recherches et à les approfondir encore plus.
C’est ainsi qu’il a bien compris, que quoique issue d’Afrique la musique Gnaoua, « Tagnaouite aime-t-il précisé » a épousé l’esprit marocain et un donne un répertoire purement marocain. Répertoire légendaire chez les gnaoua, qui commence par « Rahba, et sa couleur blanche ( Bououab), en référence à la pureté de l’âme et de l’amour à Dieu et à son prophète Sidna Mohamed. Un répertoire marocain bien magique et diversifié, long aussi, celui des Jilala, des Bouhala, en passant par les Moussouiyine ( en référence à Sidi Moussa), Lhoumer ( les Rouges), les Chorfa ( My Brahim, My Abdeslam …) les Kohel ( Les Noirs : Sidi Moumen, Mumouna)…
Maâlem Abdeslam Alikane, reprend tout cela et d’autres données qu’il veut consigner dans un ouvrage, qui sera le premier du genre, car fait par un maâlem qui allie expérience, exercice de terrain, réflexion pratique et savoir faire. L’objectif est aussi de présenter les quatre dialectes : Tagnaouit, Peul, Tamanach et Bambara et leur signification, car ce savoir va amplifier encore l’impact des gnaoua dans la musique et renforcer son image en tant que patrimoine qui mérite grand esprit et bonne sauvegarde. Nous saluons cette excellence initiative du Maâlem Abdeslam Alikane et nous lui souhaitons très bon courage et vive réussite en espérant qu’il soit soutenu convenablement pour faire aboutir ce projet intellectuel unique en son genre au Maroc, comme est le car d’ailleurs pour l’Ecole YERMA Gnaoua d’Essaouira. Yerma ( allons y ) pour de bon.
Mohamed Rial
23/6/2010

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