Marianne Epin et Fellag devaient monter ce soir sur scène avec une adaptation des textes d’Antonio Lobo Antunes. Ils reprennent finalement « Tous les Algériens sont des mécaniciens ». Un gros succès.
Vous deviez venir à Amiens avec un nouveau spectacle d’après « Les chroniques » d’Antonio Lobo Antunes. Mais un problème sur les droits de la traduction a fait capoter le projet. Est-il abandonné ?
Pour le moment oui. Je ne sais d’ailleurs pas si nous avons, Marianne Epin et moi, encore envie de monter ce spectacle. Cette nouvelle est encore aujourd’hui une vraie douleur, une blessure, une grosse déception en tout cas, parce que ce texte avait un vrai sens dans notre vie artistique. Cette adaptation était aussi une échappée originale. Travailler le texte d’un auteur, qui a un autre imaginaire que le mien, m’obligeait à aller chercher une autre voix. C’est vraiment dommage pour nous, comédiens, et pour le public.
Vous revenez donc avec « Tous les Algériens sont des mécaniciens ». Avec le même plaisir ?
Six mois après l’arrêt de ce spectacle que l’on a joué avec succès 350 fois au moins, on replonge finalement dedans. À Nîmes, nous avons choisi de proposer C’est à Alger, une lecture de mes textes, parce que nous avons envie de passer à autre chose même si on ne se lasse pas de Tous les Algériens sont des mécaniciens. Il plonge dans l’intimité d’un couple d’Algérois qui passe en revue les difficultés de leur vie quotidienne. Moi, je suis dans la dérision. Mais Marianne, elle, joue le rôle de Shéhérazade, une femme qui passe tout à la moulinette pour en faire du bonheur, et qui ne se démonte jamais quoi qu’il arrive.
Vous présentez aussi samedi votre dernier livre « Le mécano du vendredi », illustré par Jacques Ferrandez, dans lequel il est aussi question de mécanique. C’est un thème qui vous tient à cœur ?
Une chose est sûre. Si je n’avais pas écrit Tous les Algériens sont des mécaniciens, je n’aurais jamais écrit ce livre qui est un road movie. Les brouillons des pages du spectacle que je n’ai pas exploités m’ont servi pour le livre, qui raconte toutefois une autre histoire, mais qui est toujours une description douce amère de l’Algérie de la fin des années quatre-vingt. Je ne pouvais pas abandonner toute cette matière. L’écriture est pour moi un moyen de récupérer tout ce qui déborde de mon imagination. Au théâtre, il m’aurait été par exemple impossible d’avoir une plage à disposition sur scène. Il faut demander trop d’autorisations. Et puis, l’écriture me permet d’exprimer une veine plus dramatique.
Est-il difficile pour vous de changer de registre ?
J’ai connu le succès avec des one man show. Les gens me connaissent comme comique. Et pourtant, je me sens bien aussi dans la tragédie.
Après l’adaptation des « Chroniques » d’Antunes, vous travaillez sur d’autres projets ?
Il faut que j’analyse l’impact des lectures de C’est à Alger, et puis je travaille sur l’écriture de deux ou trois pièces de théâtre. Je me laisse sept à huit mois devant moi pour me concentrer sur l’écriture.
Est-ce qu’il y sera toujours question de l’Algérie ?
Pour deux projets oui. Alger, c’est le disque dur, le lieu de la dramaturgisation de mon imagination. C’est là-bas que j’ai tout emmagasiné. Mon regard sur le monde passe forcément par l’Algérie. Même si toutes mes histoires sont entre l’Algérie et la France. Je joue avec la frontière.
mercredi 01 décembre 2010
Courrier Picard
Fellag : « Alger, c'est le disque dur »
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