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Festival du monde arabe – Djmawi Africa: l'africanité algérienne

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Son nom est une contraction des mots arabes djamaa et gnaoui, littéralement «groupe de Gnaouis». Ses membres portent l’essence de l’africanité algérienne et, ce soir, ils offrent à L’Astral leur premier concert en terres d’Amérique pour l’ouverture du Festival du monde arabe. Ils sont d’Algérie et de fusion, mais, s’ils puisent abondamment dans la musique gnawa, leur répertoire est ouvert à plusieurs autres genres maghrébins et occidentaux.
«C’est vrai que le gnawa est perceptible dans notre musique puisque le chanteur est très influencé par ce style. Cela s’entend dans sa façon de chanter et dans son jeu au guimbri. Mais le gnawa est une référence parmi d’autres. Je pense qu’en Algérie, lorsqu’on interprète de la musique de création, on ne peut faire autre chose que de la fusion, on va vers des styles plus élaborés, comme le jazz, le jazz fusion ou le rock. C’est un mélange qui va de soi», fait valoir le guitariste Abdou, le plus rockeur des Djmawis.
Le son du groupe est marqué par les intérêts de chacun des huit artistes, alors que chaâbi, andalou et musiques confrériques sont intégrés au rock, au reggae et même à quelques sonorités des pays celtiques et au blues de l’Afrique noire. Des intros rappellent parfois des atmosphères de western post-modernes.
La démarche artistique s’apparente à celle d’un collectif. Abdou en explique le processus: «On essaie tous de s’auto-influencer et on ne valide pas une pièce avant qu’elle plaise à tout le monde.» Chez les Djmawis, on vient aussi bien de la musique classique que du metal ou de plusieurs genres maghrébins. Abdou descend du metal et du hard rock. On perçoit chez lui la filiation avec Raina Rai, le groupe mythique qui a électrifié le rai à grands coups de guitares pesantes.
De son côté, le saxophoniste et clarinettiste M’hamed est de formation classique. «Il se produit aussi avec l’Orchestre symphonique d’Alger. Avec le temps, il a appris l’art de l’improvisation. Il se rapproche aussi parfois de l’esprit balkanique, mais demeure avant tout un musicien algérien qui a fait l’école classique», estime Abdou.
Et la fête, là-dedans? Elle est omniprésente dans l’attitude, les rythmes incessants, les syncopes allumées et les mélopées incantatoires. Les Djmawis se réclament aussi de cette filiation avec ces groupes métis qui, comme Gnawa Diffusion ou l’Orchestre national de Barbès, ont posé en France les premiers jalons de l’art manifestif à la sauce maghrébine. «Avec l’ONB, Cheikh Sidi Bémol, Gaâda et plusieurs autres créateurs, nous faisons partie du collectif L’Usine. Ces gens sont devenus nos amis», raconte le guitariste.
En Algérie, les Djmawis ont vendu 10 000 copies de leur Mama, leur premier album: un résultat étonnant dans un pays où la crise du disque s’ajoute au piratage. Certains parlent même du groupe le plus populaire au pays. Abdou nuance le propos. «Chez nous, il n’y a pas le réflexe de consommation de la musique achetée, mais on consomme beaucoup de musique scénique. Nous arrivons à remplir des salles de 1500 à 2000 personnes et récemment nous avons même joué devant 5000 spectateurs. C’est vrai que nous comptons sur une certaine fidélité du public.»
Un deuxième disque est en chantier. Si le groupe tient à réaffirmer l’essence algérienne, on prévoit mettre en valeur son caractère africain. «Par exemple, notre violoniste a commencé à jouer de la kora et devrait la confronter au guimbri dans une pièce ou deux. Il apportera peut-être l’instrument à Montréal. On aborde également le ngoni, qui se fera entendre dans le prochain album.» Ici, l’africanité devient l’état d’esprit d’un groupe qui pénètre l’âme algérienne en tant que véhicule universel. Assurément, la découverte en vaudra la peine.
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Yves Bernard 29 octobre 2010
Collaborateur du ledevoir.com

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