Yves Bernard 7 juillet 2012 www.ledevoir.com
Ils seront plus de 500, viendront de 32 pays, arriveront souvent de loin pour offrir plus de 90 prestations lors de la 26e édition du Festival international Nuits d’Afrique (FINA), qui se déroule du 10 au 22 juillet dans sept salles montréalaises et sur le parterre du Quartier des spectacles. Ils battront tambours, affirmeront l’urbanité et clameront l’écho de la rue. En ouverture officielle mercredi soir au Métropolis, le Gnawa Diffusion nouveau, pionnier parmi les groupes manifestifs métis et reformé après cinq ans d’absence, offre un concert dans l’air du temps.
« Le retour de la formation est fortement lié à l’actualité et sera de ce fait teinté du rouge et du noir de la colère des peuples », affirme le leader Amazigh Kateb dans les notes de la pochette d’Audio-Globine 20 ans d’âge…, la compile parue cette semaine sur le label des Nuits d’Afrique. En plus d’une pièce inédite, l’album comprend des titres de chaque album, dont presque la moitié est tirée d’Algeria, le CD paru en 1997 et qui avait permis à Gnawa Diffusion de marquer les bases d’un style qui a fait école : une attitude rock sur un flot ragga et des musiques comme le reggae et le gnawi pour revendiquer la révolte.
À la compilation s’ajoutera un nouveau disque original à la rentrée. Que nous réserve-t-on ? « On continue de travailler sur une trame qui marque l’africanité du Maghreb sur un fond d’actualité », relate Amazigh Kateb, poète de l’oralité, venu d’Algérie. « Je tenais vraiment à exprimer cette fierté par rapport à tous ces gens qui ont eu le courage de braver les canons de la répression. Mais je ne voulais pas borner les expériences révolutionnaires dans le temps. Je trouve que les médias ont un effet néfaste lorsqu’ils parlent de printemps arabe. Ça devient pittoresque. On oublie que ces révolutions ont des motivations profondes, que ces motivations ne sont pas encore assouvies, ne le seront peut-être jamais, et que, finalement, la seule véritable route que les peuples ont à suivre est celle de la révolution permanente. »
Partir, revenir
Sur le 50e anniversaire de l’indépendance de son pays natal, l’artiste pose aussi un regard critique : « Je n’ai pas fait de chanson là-dessus parce qu’on fait une chanson sur l’indépendance lorsqu’on l’a vraiment. J’ai plus de chansons qui parlent globalement du système planétaire et du capitalisme. » En homme libre, ce que signifie son prénom en berbère, l’arabophone Amazigh Kateb parlera aussi des allers-retours entre Gnawa Diffusion et la carrière solo qu’il a entreprise après la séparation du groupe en 2007.
« On s’est quittés à un moment où ça allait bien et il n’y a pas eu de divorce. J’avais besoin de créer un CD plutôt calme et axé sur les textes, mais cette expérience du solo m’a donné envie de revenir à une histoire collective, d’autant qu’après la sortie de mon disque Marchez noir, j’ai rejoué avec mes musiciens de Gnawa pour changer le son. C’est vraiment une histoire d’amitiés qui continuent. »
Pour la reformation, plusieurs musiciens sont revenus, forts de nouvelles expériences, de nouveaux patterns et de nouvelles harmonies. D’autres se sont ajoutés, comme le claviériste Blaisse Batisse – dit Blez – et le DJ Boulaone. Est-ce un nouveau projet, finalement ? Réponse d’Amazigh Kateb : « Il y a une continuité, un aspect historique, mais on n’a pas remonté le Gnawa en faisant seulement des reprises des anciens morceaux. On est toujours dans la même audio globine, mais il y a de la fraîcheur et une véritable envie de jouer. On s’est dit qu’on repart pour un disque, et après on verra. » Un CD live de la prochaine tournée pourrait suivre, pendant que le leader poursuit aussi sa carrière solo en confectionnant des chansons qui pourraient devenir plus dénudées, mais toujours toutes de rouge et de noir vêtues.
Autres histoires, autres voix
Au FINA, plusieurs autres artistes chanteront les histoires ou misères de la vie en donnant un sens au mot « humanité ». Les Sierra Leone’s Refugee All Stars en incarneront l’un des plus vibrants aspects avec leur reggae, leur danse old school et leurs effets de dub. Les Tambours de Brazza s’amènent avec six jeunes fougueux joueurs de tambours ngoma sous la direction du batteur Émile Biayenda pour faire jaillir la flamme congolaise. Oliver Mtukudzi laissera l’empreinte du grand frère Shona avec toute sa sagesse et sa voix aux inflexions spirituelles. Puis, il y a ce projet nommé Madagascar Wake Up, mené par la chanteuse Razia Said avec de brillants artistes malgaches, comme Jaojoby et consorts, pour sensibiliser à la richesse d’une biodiversité menacée.
D’autres créateurs présents portent une forte parole inspirée des vagues humaines et des grandes tragédies de la décennie : Bélo, qui est la voix de toute une génération en Haïti, aux muses vaudou, soul et reggae ; Émel Mathlouthi, une figure de proue de la révolution tunisienne pour la première fois ici en version actualisée ; Dub Inc et son reggae ragga toujours efficace ; Lamine Fellah et Sarazino, avec son ska reggae mondial ; Rômmel Ribeiro, un espoir de la chanson brésilienne de Montréal ; et l’attendrissant Zal Sissokho, dans son écho mandingue.
Depuis quelques années, sous l’impulsion des programmateurs Frédéric Kervadek et Hélène Dimanche, le FINA a réussi le pari de l’équilibre entre les musiques de racines et les nouvelles tendances urbaines. À cause de cela, l’édition de l’an dernier fut l’une des meilleures. Rien n’indique, du moins sur papier, que le calibre de cette année sera inférieur. Et le spectre y sera plus large. À preuve, la série Nuits d’Afrique Sound System, qui revient avec Awadi et Spoek Mathambo, Saltarello avec ses voies caverneuses et éthérées, Roberto Lopez avec six spectacles différents, entre autres. Sans compter quatre jours de concerts gratuits à l’extérieur, dont ceux de Sergent Garcia, de Calypso Rose, de Nimbaya et du dernier allumeur : Tiken Jah Fakoly. Quand l’insoumission et la tradition s’emparent de la place du village…
« Le retour de la formation est fortement lié à l’actualité et sera de ce fait teinté du rouge et du noir de la colère des peuples », affirme le leader Amazigh Kateb dans les notes de la pochette d’Audio-Globine 20 ans d’âge…, la compile parue cette semaine sur le label des Nuits d’Afrique. En plus d’une pièce inédite, l’album comprend des titres de chaque album, dont presque la moitié est tirée d’Algeria, le CD paru en 1997 et qui avait permis à Gnawa Diffusion de marquer les bases d’un style qui a fait école : une attitude rock sur un flot ragga et des musiques comme le reggae et le gnawi pour revendiquer la révolte.
À la compilation s’ajoutera un nouveau disque original à la rentrée. Que nous réserve-t-on ? « On continue de travailler sur une trame qui marque l’africanité du Maghreb sur un fond d’actualité », relate Amazigh Kateb, poète de l’oralité, venu d’Algérie. « Je tenais vraiment à exprimer cette fierté par rapport à tous ces gens qui ont eu le courage de braver les canons de la répression. Mais je ne voulais pas borner les expériences révolutionnaires dans le temps. Je trouve que les médias ont un effet néfaste lorsqu’ils parlent de printemps arabe. Ça devient pittoresque. On oublie que ces révolutions ont des motivations profondes, que ces motivations ne sont pas encore assouvies, ne le seront peut-être jamais, et que, finalement, la seule véritable route que les peuples ont à suivre est celle de la révolution permanente. »
Partir, revenir
Sur le 50e anniversaire de l’indépendance de son pays natal, l’artiste pose aussi un regard critique : « Je n’ai pas fait de chanson là-dessus parce qu’on fait une chanson sur l’indépendance lorsqu’on l’a vraiment. J’ai plus de chansons qui parlent globalement du système planétaire et du capitalisme. » En homme libre, ce que signifie son prénom en berbère, l’arabophone Amazigh Kateb parlera aussi des allers-retours entre Gnawa Diffusion et la carrière solo qu’il a entreprise après la séparation du groupe en 2007.
« On s’est quittés à un moment où ça allait bien et il n’y a pas eu de divorce. J’avais besoin de créer un CD plutôt calme et axé sur les textes, mais cette expérience du solo m’a donné envie de revenir à une histoire collective, d’autant qu’après la sortie de mon disque Marchez noir, j’ai rejoué avec mes musiciens de Gnawa pour changer le son. C’est vraiment une histoire d’amitiés qui continuent. »
Pour la reformation, plusieurs musiciens sont revenus, forts de nouvelles expériences, de nouveaux patterns et de nouvelles harmonies. D’autres se sont ajoutés, comme le claviériste Blaisse Batisse – dit Blez – et le DJ Boulaone. Est-ce un nouveau projet, finalement ? Réponse d’Amazigh Kateb : « Il y a une continuité, un aspect historique, mais on n’a pas remonté le Gnawa en faisant seulement des reprises des anciens morceaux. On est toujours dans la même audio globine, mais il y a de la fraîcheur et une véritable envie de jouer. On s’est dit qu’on repart pour un disque, et après on verra. » Un CD live de la prochaine tournée pourrait suivre, pendant que le leader poursuit aussi sa carrière solo en confectionnant des chansons qui pourraient devenir plus dénudées, mais toujours toutes de rouge et de noir vêtues.
Autres histoires, autres voix
Au FINA, plusieurs autres artistes chanteront les histoires ou misères de la vie en donnant un sens au mot « humanité ». Les Sierra Leone’s Refugee All Stars en incarneront l’un des plus vibrants aspects avec leur reggae, leur danse old school et leurs effets de dub. Les Tambours de Brazza s’amènent avec six jeunes fougueux joueurs de tambours ngoma sous la direction du batteur Émile Biayenda pour faire jaillir la flamme congolaise. Oliver Mtukudzi laissera l’empreinte du grand frère Shona avec toute sa sagesse et sa voix aux inflexions spirituelles. Puis, il y a ce projet nommé Madagascar Wake Up, mené par la chanteuse Razia Said avec de brillants artistes malgaches, comme Jaojoby et consorts, pour sensibiliser à la richesse d’une biodiversité menacée.
D’autres créateurs présents portent une forte parole inspirée des vagues humaines et des grandes tragédies de la décennie : Bélo, qui est la voix de toute une génération en Haïti, aux muses vaudou, soul et reggae ; Émel Mathlouthi, une figure de proue de la révolution tunisienne pour la première fois ici en version actualisée ; Dub Inc et son reggae ragga toujours efficace ; Lamine Fellah et Sarazino, avec son ska reggae mondial ; Rômmel Ribeiro, un espoir de la chanson brésilienne de Montréal ; et l’attendrissant Zal Sissokho, dans son écho mandingue.
Depuis quelques années, sous l’impulsion des programmateurs Frédéric Kervadek et Hélène Dimanche, le FINA a réussi le pari de l’équilibre entre les musiques de racines et les nouvelles tendances urbaines. À cause de cela, l’édition de l’an dernier fut l’une des meilleures. Rien n’indique, du moins sur papier, que le calibre de cette année sera inférieur. Et le spectre y sera plus large. À preuve, la série Nuits d’Afrique Sound System, qui revient avec Awadi et Spoek Mathambo, Saltarello avec ses voies caverneuses et éthérées, Roberto Lopez avec six spectacles différents, entre autres. Sans compter quatre jours de concerts gratuits à l’extérieur, dont ceux de Sergent Garcia, de Calypso Rose, de Nimbaya et du dernier allumeur : Tiken Jah Fakoly. Quand l’insoumission et la tradition s’emparent de la place du village…