Trois saisons et des souvenirs
Mon Dieu ! Par quoi commencer si l’on veut parler du dernier recueil de poèmes de Youcef Zirem ? Souvent, pour bien absorber les vers, il est bon de connaître celui qui les sert, et c’est pour cela qu’on pousse avec lui ce Gémissement tardif :
Retour prévu
Des voitures piégées
Refuge habituel
Dans cet alcool
Qui ne me saoule pas
Papiers écrits dans les journaux
Qui ne disent rien
Un job devenu un simple gagne-bière
Mais continuons à mieux faire connaissance avec Youcef Zirem qui, contrairement au fameux personnage de Bertolt Brecht qui prépare sa prochaine erreur, «attend une autre défaite au carrefour de ces pérégrinations de comète nonchalante».
Comme beaucoup de ses compatriotes meurtris par tant de barbarie durant plus de dix ans, Zirem lance l’Appel sans écho :
Carnages répétitifs
Exodes massifs et dépossessions
La violence est un océan en furie (…)
Nos yeux se fatiguent
De lorgner du côté
Des horizons impossibles
De la paix
Et dans le Papillon hors jeu, le poète tente de frôler ce sentiment bizarre qui nous habite devant tant de sang : «Je n’ai pas l’angoisse de crever ; je veux juste remplir l’espace vide de l’autre révolte».
Si le doute a servi la connaissance des choses, chez le poète, il peut conduire à la fatalité. Sinon, comment comprendre Youcef Zirem qui nous dit que dans sa Ballade éclatée, «la mouette s’élance ; quelques pêcheurs admirent son envol ; prisonnière des airs, où peut-elle bien fuir ?».
Ensuite, dans sa Servitude, «nous habitons le désert des coeurs endurcis ; pourrons-nous un jour sortir de la tanière du doute ?». Enfin, nous plongeons dans ses Abysses pour nous enfoncer «de plus en plus dans ces ténèbres chancelantes ; nous n’avons plus aucun désir, et, désormais, tous les combats nous semblent vains».
Douter encore. S’interroger toujours. Et imaginer ces Diaboliques Officines. Ne pas vraiment comprendre. Alors, s’interroger : «Mais qui a programmé ce chaos ?». Dans les Saisons de Zirem, le souvenir est tantôt biaisé, tantôt migratoire.
Mais n’est-ce pas dans le souvenir qu’on se retrouve vivant quand demain, comme aujourd’hui, est captif ? Ce qui est sûr, pour l’homme aux vers, c’est que ce n’est pas pour rien que si, dans une page de garde, il cite Milan Kundera et son Insoutenable légèreté de l’être dans laquelle il se demande : «Un imbécile assis sur le trône est-il déchargé de toute responsabilité du seul fait que c’est un imbécile ?»
Source : www.jeune-independant.com
Je garderai ça dans ma tête de Youcef Zirem, (Poésie) – Éditions El-Ikhtilef, Alger, 2003
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