Sidi Bémol, créateur du gourbi-rock, sort un album rafraîchissant, « Elho chante L’Attirail, Fat Man’s Bar Songs », fruit d’une collaboration avec le groupe L’Attirail. Le rockeur fête aussi les vingt ans de son label indépendant au Studio de l’Ermitage. Nous l’avons rencontré.
Article Publié le 17/01/2024 11:39 par Mohamed Berkani. France Télévisions – Rédaction Culture
En 2003 sortait El Bandi (CBS production), un album qui allait propulser Sidi Bémol, Hocine Boukella pour l’état civil, dans l’arène artistique comme musicien atypique. L’artiste continue d’élargir ses horizons musicaux avec les dix chansons de Elho chante l’Attirail, Fat Man’s Bar Songs, paru en octobre. Il est très difficile d’étiqueter le jeune sexagénaire. Alors qu’il s’apprête à souffler les 20 bougies de son label indépendant Elho avec trois concerts au Studio de l’Ermitage les 24, 25 et 26 janvier, rencontre avec un amoureux des lettres et des sons venus d’ailleurs, fan de Georges Brassens, de Led Zeppelin et de Cheikh Hamada.
FranceInfo Culture : Vous revenez avec un nouvel album, Elho chante L’Attirail, Fat Man’s Bar Songs, totalement différent des précédents, notamment de Chouf !, résolument rock… Quelle est votre démarche pour celui-ci ?
Hocine Boukella : Cet album est une sorte de voyage en pays inconnu. Depuis une dizaine d’années, je collabore avec Xavier Demerliac, leader du groupe L’Attirail, en écrivant des textes pour ses musiques et en les chantant dans ses albums. Nous avons par exemple écrit Water and Fire, un titre en hommage à JJ Cale. Dans ces collaborations, je ne m’occupais que du texte et du chant. Par contre, dans Fat Man’s Bar Songs, j’interprète la musique de L’Attirail à ma façon, je la joue avec mes arrangements. En résumé, je chante les musiques de L’Attirail à la façon Sidi Bémol.
Votre univers est un peu surréaliste…
La musique de L’Attirail n’a pas de frontières, c’est une musique qui invite au voyage et à la découverte. Pour mon album, j’ai choisi dix de ces musiques et j’ai écrit dix textes dans différentes langues que je maîtrise plus ou moins : arabe, kabyle, français, anglais, roumain et kazakh. Ces chansons racontent des histoires étranges, des personnages énigmatiques, des pays inexplorés. Dans Blows, j’utilise la bande son d’un western de 1957, dans Moon Queen, j’imagine la reine de la Lune qui contemple, souriante, les humains qui courent à leur perte et dans I’m Coming, je décris un voyage secret à mon village natal en Kabylie, je donne aussi la recette pour apprendre à nager en plein désert… Ces chansons me rappellent l’ambiance d’un bar parisien que je fréquentais jadis, dans lequel on entendait plein d’histoires incroyables, racontées dans toutes les langues possibles par des ivrognes inoubliables. C’est ce bar, aujourd’hui disparu, qui m’a inspiré le titre Fat Man’s Bar Songs.
Comment définir votre musique ? Est-ce que gourbi-rock, un mélange de Led Zeppelin et de Cheikh Hamada, convient ?
Gourbi-rock résume bien la musique du groupe Sidi Bémol. C’est une définition ouverte et cela me convient. Cheikh Hamada (artiste algérien décédé en 1968, ndlr) est un immense artiste de melhoun, le genre musical qui donnera le raï. Quand j’étais adolescent, j’écoutais beaucoup de rock anglais, Led Zeppelin, les Rolling Stones, les Beatles. Quand j’ai découvert Cheikh Hamada, j’ai tout de suite essayé de le jouer à la guitare rock et cela m’a ouvert une porte sur un univers musical inexploré. Cela m’a décidé à chercher une nouvelle façon de jouer la musique algérienne, et m’a poussé à composer et à écrire, c’est Cheikh Hamada qui m’a entraîné vers le gourbi-rock.
Vous fêtez les 20 ans de votre label fin janvier au Studio de l’Ermitage. En regardant derrière vous, quel regard portez-vous sur votre carrière ?
Le label CSB Productions a été créé pour faire de la musique de façon indépendante et sans tenir compte des modes. C’est une entreprise artisanale qui réunit des musiciens qui ne sont pas tellement motivés par les critères du show-business ou par les méthodes de l’industrie musicale. Le label existe depuis 20 ans, c’est déjà une grande victoire, car ce n’est vraiment pas évident de durer dans les métiers de la culture. Aujourd’hui, le label regroupe une vingtaine d’artistes, algériens, maliens, portugais, français, et nous espérons accueillir encore de nouveaux talents. Nous avons vécu beaucoup de moments inoubliables avec le public dans beaucoup de pays différents. Nous avons aussi reçu beaucoup d’amour et nous avons chargé beaucoup d’énergie. Nous avons également quelques mauvais souvenirs qui nous ont servi de leçons et qui deviennent avec le temps des sujets de plaisanteries.
Vous allez chanter sur scène les titres sélectionnés par vos fans, mais quelle est votre chanson préférée à vous ?
Difficile de choisir un seul titre dans un répertoire qui en compte maintenant plus de 120. Je n’ai pas de chanson préférée, mais El Bandi est celle qui continue à faire connaître mon travail. J’ai toujours beaucoup de plaisir à la chanter avec le public. Il y a longtemps que je n’ai pas chanté Blues Bouzenzel, La Faute Diali, Hiya et d’autres titres de mes premiers albums, ça fait du bien de les retrouver.
Sidi Bémol en concert du 24 au 26 janvier au Studio de l’Ermitage, 8 rue de l’Ermitage, 75020 Paris.