Formé à la fin des années 90 dans le mythique quartier parisien, l’Orchestre national de Barbès célèbre son anniversaire avec un double album live et une trentaine de dates dans toute la France.
«On avait de l’émotion avant le départ, de l’appréhension. Cela c’est très bien passé, on a même été touché par un moment de grâce. Le public de lui-même a entonné joyeux anniversaire !», raconte Kamel Tenfiche, tranquillement installé sur la petite terrasse de la salle parisienne.
Le chanteur et percussionniste de la formation profite d’un petit moment de détente avant le second show. A ses côtés, Luis Saldanha, réalisateur et manageur du groupe savoure lui aussi l’événement:
«Quinze ans pour nous, c’est énorme ! Bien sûr que quand on se compare aux Rolling Stones, ils ont des affiches partout. Ils disent qu’ils ont 50 ans de carrière, nous ont des adolescents, mais cela nous convient, on le vit pleinement avec beaucoup de joie !».
Un tour du monde de concerts
Les membres de l’ONB n’ont peut-être pas encore le CV de Mick Jagger, mais leur carrière est déjà bien remplie. Depuis sa création à la fin des années 90, le groupe de rock festif aux sonorités maghrébines compte plus de 1000 concerts à son actif. Du Caire, à Monaco, en passant par New York ou Essaouira au Maroc, pas facile de faire le tri parmi tous les souvenirs de tournée. Kamel garde en tête un spectacle en Uruguay à Montevideo, où il a pu jouer avec un groupe traditionnel de percussion: «On s’est retrouvé avec des crampes à essayer de les suivre. Ils nous ont mis une claque !» De son côté, Luis se rappelle d’un show en Allemagne où le public a eu le droit à une grosse surprise: «Ils pensaient que c’était de la musique classique à cause de notre nom.»
Des dates aux quatre coins du monde, pour un petit groupe finalement sorti de nulle part. C’est en 1996, que l’Orchestre national de Barbès voit le jour sur la scène parisienne du New Morning. Une dizaine de musiciens, originaires d’Afrique du Nord, d’Europe du Sud ou de France, se réunissent pour quelques morceaux improvisés. Un mélange de chaabi, de rock, de raï, de gnaoua, de reggae, de funk et même d’un peu de salsa. La sauce prend et un premier album live est enregistré.
«En sortant du studio, on s’était dit “Si on en vend 10.000, c’est cool, car on rembourse tout le monde. On se fait un petit billet chacun, et puis on fait quelques concerts, ce sera déjà une réussite.” Et en fait c’est parti beaucoup plus loin et beaucoup plus vite que ce qu’on pensait», raconte Luis, qui fait partie de l’aventure depuis le départ.
Le succès est rapidement au rendez-vous. La bande de potes commence alors à sillonner la planète et sort un deuxième album en 1999, Poulina. Les concerts s’enchaînent pendant cinq ans à un rythme infernal. Une popularité qui devient cependant vite pesante. Les musiciens perdent peu à peu leur motivation des débuts.
«Il a fallu arrêter les compteurs et faire un bilan, on ne savait plus qui était nos partenaires. Des fois dans les loges, il y avait plus de gens extérieurs au groupe, on était en minorité. On a tout arrêté pour pouvoir garder notre liberté, digérer aussi ce qui c’était passé, sinon on allait à notre perte, comme une orange qu’on aurait pressée et ensuite on aurait balancé les pelures de l’ONB à la poubelle», se souvient Kamel.
Au début des années 2000, la troupe fait une pause. Chacun en profite pour se tourner vers des projets plus personnels. Ce n’est qu’en 2008, que le groupe se retrouve pour un troisième disque intitulé Alik, puis pour un quatrième deux ans plus tard, Rendez-vous à Barbès. Peu médiatisé et totalement autoproduit, l’Orchestre national de Barbès réussit à survivre et à remplir les salles.
«Ce qui est bien avec l’ONB, c’est qu’on n’a pas fait de tubes. C’est un peu notre réussite, cela nous a permis de rester vigilant et les pieds sur terre. On a ce coté parallèle, pas contre culture, mais en tout cas contre les choses établies. Cette insolence nous plaît», explique le percussionniste.
Contre l’intolérance
Le groupe est aussi fier de rassembler toutes les générations. Dans leur public, jeunes et moins jeunes se déchaînent au son de leur musique explosive.
«Il y a des fans du début, mais il y aussi les enfants et ils commencent à avoir les petits-enfants !», affirme Luis dans un grand éclat de rire, avant d’ajouter, «Cyril, qui a intégré le groupe il y a deux ans et qui est au son, il avait 12 ans quand on a démarré. Il avait vu le concert avec ses parents !».
Mais la plus grande satisfaction de l’ONB est de permettre de rapprocher les cultures. Avec ses 11 musiciens aux origines multiethniques, la formation se bat contre le climat d’intolérance et de racisme ambiant.
«On est tous d’horizons différents. Quand je vois des Français qui viennent de partout, surtout quand on tourne en dehors de Paris, notamment à la campagne, je pense que cela les rassure. (…) Au départ, on n’a pas choisi de faire de la musique pour ce travail là, mais ce sont des dommages collatéraux sympas. C’est un travail de fond, pour un peu contrebalancer ce qui se passe en ce moment », estime Luis.
Un point de vue partagé par son camarade Kamel: «Nous on ne fait pas de politique, on n’est pas dans des partis, mais on s’est rendu compte qu’on arrivait à changer les choses. (…) Nous sommes conscient que la joie que l’on apporte, elle peut apaiser et faire réfléchir un minimum».
Ce soir-là au Trianon, la joie est plus que palpable. La salle affiche complet. Les spectateurs sont survoltés et en redemandent. Quelques youyous retentissent même pour célébrer cet anniversaire. Plus motivés que jamais, les membres de l’ONB ne sont pas prêts de débrancher leurs amplis. «Quinze ans d’amour et de problèmes ! Rajoutez encore une tranche, s’il vous plaît mes amis !», lance Kamel à son public.
Stéphanie Trouillard
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