A quelques jours du cessez-le-feu, plus exactement le 15 mars 1962, tombaient sous les balles assassines de la sanguinaire OAS, près du Château royal de Ben-Aknoun (Alger), six inspecteurs d’enseignement (trois Algériens et trois français) dont Mouloud Feraoun.
“Pourquoi Mouloud Feraoun (…)? Parce que, ayant reçu le don d’écrire, il avait l’audace de l’exercer. Parce qu’il osait conter son enfance pauvre et son pays, ses amis et sa patrie et que cette liberté représentait à elle seule une provocation”, écrira l’écrivain français Jules Roy au lendemain de l’assassinat de cet “homme à la droiture inflexible, de cet analyste puissant qui allait au fond des mots et des pensées, de ce poète (…)”.
“J’ai dans mon cœur le souvenir d’un homme bon, droit, amical. Tu aimais la vie, tu étais courageux. Pour moi, Mouloud, tu es par excellence celui qui a su, sans compromission, demeurer fidèle à sa terre natale (…)”, écrira, de son côté, l’écrivain et éditeur Maurice Monnoyer pour qui Mouloud Feraoun n’est pas mort mais “vit dans le cœur de ses proches, de ses amis et de ses lecteurs”. “Le fils du pauvre” est rédigé dans un style limpide, clair et concis, suivant une écriture sage, où le verbe est toujours transitif. Mouloud Feraoun a dévidé l’écheveau de sa mémoire pour enfanter un texte classique (…”, écrira le poète écrivain Youcef Merahi, à propos de l’œuvre de cet auteur qui “tout en travaillant à son œuvre romanesque, a investi l’écriture diariste en tenant, dès 1955, un journal, régulièrement, de manière journalière, notant les évènements de la guerre”.
“Pas un écrivain de sa génération et de sa condition (fils de pauvre ayant accédé à l’instruction et au statut social idoine) n’a concilié aussi harmonieusement l’humanisme des livres et celui, oral, de la transmission traditionnelle”, notera, de son côté, le journaliste et écrivain Arezki Metref à propos de l’œuvre de Mouloud Feraoun chez qui” tout, la moindre idée, la moindre pulsation poétique, le moindre éclair philosophique dénonce, au nom d’un humanisme qui va de soi, (…) ces atteintes à la vie et à la dignité de l’homme (commises par le colonialisme français)”.
“Malgré cette carrière brisée (par la mort), Mouloud Feraoun restera pour les écrivains du Maghreb un aîné attachant et respecté, un de ceux qui ont ouvert à la littérature nord-africaine l’aire internationale où elle ne tardera pas à inscrire ses lettres de noblesse”, ajoutera-t-il.
“Durant la guerre qui ensanglanta la terre d’Algérie, Mouloud Feraoun a porté aux yeux du monde, à l’instar de Mouloud Mammeri, Mohamed Dib, Kateb Yacine et quelques autres, les profondes souffrances et les espoirs tenaces de son peuple”, conclura-t-il. Mouloud Feraoun est né le 8 mars 1913 à Tizi Hibel (wilaya de Tizi-Ouzou).Il fréquente l’école de Tizi-Hibel à partir de l’âge de 7 ans. En 1928, il est boursier à l’école primaire supérieure de Tizi-Ouzou. En 1932, il est reçu au concours d’entrée de l’école normale de Bouzaréah Alger (actuelle École normale supérieure des lettres et sciences humaines). Il y fait la connaissance d’Emmanuel Roblès. En 1935, il est nommé instituteur à Tizi-Hibel où il épouse sa cousine Dehbia dont il aura 7 enfants. En 1946, il est muté à Taourirt-Moussa. En 1952, il est nommé directeur du cours complémentaire de Fort National. En 1957, nommé directeur de l’école Nador de Clos-Salembier, il quitte la Kabylie pour les hauteurs d’Alger.
En 1951, il est en correspondance avec Albert Camus, le 15 juillet, il termine La Terre et le Sang, récompensé en 1953 par le Prix du roman populiste.
En 1960, il est inspecteur des centres sociaux (créés sur l’initiative de Germaine Tillion) à Château-Royal près de Ben-Aknoun. Avec cinq de ses collègues, dont l’inspecteur d’académie Max Marchand, c’est là qu’il est assassiné par l’OAS le 15 mars 1962 à quatre jours du cessez-le-feu.
Mouloud Feraoun a commencé son premier roman autobiographique Le fils du pauvre en 1939 ; il n’est publié qu’en 1950 à compte d’auteur. Ce n’est qu’en 1954 que Le Seuil le publie, expurgé des soixante-dix pages relatives à l’école normale de Bouzaréah. Les éditions du Seuil publient, en 1957, Les chemins qui montent, la traduction des Poèmes de Si Mohand, éditée par les Editions de Minuit en 1960. Son Journal, rédigé de 1955 à 1962 est remis au Seuil en février 1962 et ne sera publié qu’après sa mort.
Bibliographie
FERAOUN [Mouloud], Le fils du pauvre, Menrad instituteur kabyle, Le Puy, Cahiers du nouvel humanisme, 1950, 206 p.
FERAOUN [Mouloud], La terre et le sang, Paris, Seuil, 1953, 256 p.
FERAOUN [Mouloud], Jours de Kabylie, Alger, Baconnier, 1954, 141 p.
FERAOUN [Mouloud], Les chemins qui montent, Paris, Seuil, 1957, 222p.
FERAOUN [Mouloud], Les poèmes de Si Mohand, Paris, Les éditions de Minuit, 1960, 111p.
FERAOUN [Mouloud], Journal 1955-1962, Paris, Seuil, 1962, 349 p.
FERAOUN [Mouloud], Lettres à ses amis, Paris, Seuil, 1969, 205p.
FERAOUN [Mouloud], L’anniversaire, Paris, Seuil, 1972, 143p.
FERAOUN [Mouloud], La cité des roses, Alger,Yamcom ,2007 ,170 p.
Mouloud Feraoun, L’écrivain humaniste
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Je recherche activement une biographie (succinte) de Maxime Marchand. Malheureusement pour moi, M FERAOUN est plus connu. Où puis-je trouver cela ?
Merci de toute l’aide que vous pourrez m’apporter.