Musique Gnaoua: Saints de l’autre monde et fans contemporains

Houda Belabd24-04-2013
In http://hebdo.ahram.org.eg

Maalem Hamid El kasri
Maalem Hamid El kasri

Courant musical et philosophique, le « Gnaoua » connaît un succès grandissant depuis la création du festival d’Essaouira. Style musical dit « spiritualiste », il proviendrait d’esclaves d’Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, il se décline dans tous le styles : jazz, reggae ou blues … retour sur une culture vivante.
Encore une fois, des centaines de milliers de gnaouis se donneront rendez-vous à la Cité des Alizés pour la seizième édition du Festival Gnaoua et musiques du monde, à Essaouira au Maroc du 20 au 23 juin prochain. Avec des rythmes spiritualistes et des résonances du guembri (instrument à trois cordes), du djembé (instrument sénégalais ressemblant à un tambour) et des krarebs (castagnettes métalliques), en moins de deux décennies, cet événement a réussi à fidéliser un nombre considérable de gnaouis en provenance du Mali, du Sénégal, d’Algérie et d’ailleurs.
Si les Marocains ne nient pas leur passé paganiste qu’ils ont troqué contre une histoire contemporaine islamisée, beaucoup n’arrivent pas à se détacher de certaines pratiques résiduelles tel le spiritualisme. Certainement, et puisque l’esprit du « gnaouisme » le permet, des maalems (chanteurs gnaouis) évoquent dans leurs chants et supplications des noms de saints du monde parallèle. Ces chanteurs — pour le moins spéciaux — reconnaissent avoir des liens avec des tribus maliennes, sénégalaises et soudanaises dites « Bori Haoussa », mieux connues sous l’appellation « Haoussa ».
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Selon l’ethnomusicologue marocain, Ahmed Aydoune, les gnaouas sont à l’origine des descendants d’anciens esclaves noirs issus de populations d’origine subsaharienne s’étendant du Sénégal au Soudan. La musique et les rituels gnaouas auraient pour origine les cultes d’adorcisme qui restent selon Aydoune « des cultes vivants, toujours pratiqués par les peuples sahéliens ». Ces pratiques d’origine Haoussa, Barma, Bambara, Foulani et Bozo se sont métamorphosées au gré de la religion islamique dans le but d’assurer leur continuité.
Effectivement, en sollicitant les noms des saints de l’autre monde — celui des diables — les maalems évoquent également le nom du prophète de l’islam sans pour autant lésiner sur les prières islamiques. Autrement dit, en une « lila » (nuit) ou « hadra » (présence de l’autre monde), les maalems gnaouis concilient spiritualisme et supplications islamiques.
Similarités avec le Vaudou
Selon la musicologue marocaine Zineb Majdouli, ces courants s’apparentent, à quelques détails près, aux « Vaudous » d’Haïti, des « Santeria » de Cuba ou des « Candomblé » du Brésil qui ont été obligés de suivre les préceptes du christianisme en Amérique.
« Quoi que l’on dit sur ce genre musical, les rituels gnaouis restent l’essence et la philosophie même du mouvement. Ceux-ci portent une part de mystère lors de soirées thérapeutiques un tant soit peu confidentielles », ajoute-t-elle.
Si les premiers groupes musicaux marocains à s’être inspirés des chants et rythmes gnaouis restent Nas El Ghiwane et Jil Jilala et renvoient le mélomane aux années 1970, les groupes de scène contemporaine sont loin de bouder ce courant artistique.
Mayara Band, Les Fnaïre et tant d’autres en ont séduit plus d’un avec des singles dédiés à Aïcha, la sainte des saintes. Un nom emblématique du folklore et du spiritualisme marocains qui puise ses origines dans le XVIe siècle et dans les légendes des grandsmères.
Le gnaouisme s’internationalise
Grâce aux échanges artistiques entre le Maroc, l’Algérie et la France, hétéroclite par son brassage culturel, la culture gnaouie a pu voyager au-delà des frontières.
La musique des gnaouas s’est en effet internationalisée. Aujourd’hui, des chanteurs étrangers font appel à des musiciens gnaouis dans leurs compositions. Hors du Maroc, le groupe francoalgérien «Gnawa diffusion », fondé par le chanteur Amazigh Kateb (qui n’est autre que le fils de l’écrivain algérien Kateb Yassine), fut un des portedrapeaux d’une culture jadis mal financée et marginalisée.
Plus encore, le phénomène de la fusion des genres a donné naissance à des sous-genres tels que le jazz-gnaoua, le blues-gnaoua, le reggae-gnaoua et bien d’autres. Des fusions qui ne sont pas sans plaire aux jeunes mélomanes maghrébins, constamment avides de renouveau et de métissage culturel.
Mis à part les maalems gnaouis, VIP des grands concerts et festivals internationaux, des gnaouis amateurs se contentent — pour des raisons lucratives — de quelques petites « halkas », ces cercles formés dans des lieux publics comme la place Jamaa El Fna de Marrakech ou lors des « Moussems » (pèlerinages auprès des lieux imaginaires des saints du monde parallèle).
Mais pour le chanteur gnaoui Hamid el Kasri, la musique gnaouie n’est pas une vache à lait : « Le chant gnaoui est indissociable du patrimoine culturel marocain. Autrement dit, même quand un chanteur gnaoui ne pourra plus briller sous les feux de la rampe lors des festivals du monde, il doit savoir que son rôle initial est de sauvegarder ce style musical ». Une leçon de sagesse.
A découvrir :
Gaada Diwane de Béchar :
http://www.myspace.com/gaadamusic
Mayara Band, groupe gnaoui :
http://www.myspace.com/mayaraband
Les Fnaïre du Maroc :
http://www.myspace.com/fnairemaroc

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