Vava Inouva, la berceuse qui a tant bercé la chanson kabyle a tiré sa révérence.

Vava Inouva, la berceuse qui a tant bercé la chanson kabyle a tiré sa révérence.

Une étoile dans la constellation de la chanson kabyle a tiré sa révérence , debout et sans se plier durant toute sa carrière aux aléas des temps perdus , ces temps où la gloire pèse lourdement sur l’humilité qui préside à la naissance de tout génie artistique. Mais Idir, le prénom que l’on donne à l’enfant qui survit à une procession de morts-nés et que l’on drape de ce petit nom à la prononciation fluide mais à la symbolique immortelle, car il symbolise la vie et la lutte pour la survie. Idir a été gravé sur le silice de la montagne kabyle à sa naissance , cette montagne qui a résisté aux aléas de la nature et à celle des hommes dans des duels où l’épée de l’ennemi tranche le corps mais t’atteigne guère le coeur. Et c’est ainsi que les plaies se cicatrisent sous l’impulsion du coeur , gardien de l’orde des ancêtres et matrice qui perpétuite la race. Et Idir était à sa naissance celui qui a opéré de par sa magie artistique a protéger la sève de la culture berbère de se tarir sous la sécheresse des envahisseurs et à nourrir l’arbe que les ennemis ne cessaient d’elaguer les frondaisons pour le laisser une proie facile aux vents de l’aliénation.

Enfants du terroir, ô enfants du soleil
Je vous salue, vous convie, on essaye
Plaisants soient les mots que le berbère étaye
Que son cri dans le monde vibre à l’oreille
Enfant de Figuig berbère est ta racine
Chemin t’as choisi, bonne péripétie
Jument qui t’amène n’est pas repartie
Bourgeon de berbère la source est la tienne
Soyons nous colombe panthère ou lion
De jour et de nuit ensemble nous veillons
Osons liberté de dire où nous allons
Demander savoir grimper les échelons.

Si Muhand ou M’Hand .

Idir, enfant du terroir

Loin d’être d’un hermétisme clos, où l’on cultive une seule culture, clôturée et fermée de haies infranchissables , Idir était un verger ensoleillé, un enfant de cette étoile intarissable de lumière et qu’ illumine même les lieux les plus improbables où les ténèbres se croient maîtres des céans , et éternels dépositaires de la noirceur des âmes damnée. Mais n’est -il pas des esprits en souffrance d’où jaillisse la lumière du renouveau et dont le cri vibre l’oreille des prisonniers du silence pour les libérer , les délivrer et les faire témoigner le jour où la voix de la justice s’élèvera sur ce monde de l’injustice ?

Le chemin qu’Idir a choisi d’emprunter , dés que la conscience avait commencé à germer dans son esprit déjà à l’écoute des voix des ancêtres , était celui de la réappropriation de l’incommensurable héritage orale kabyle et l’immortaliser dans un lumineux répertoire. Des ancêtres qui n’avaient que le verbe pour remonter à la surface de la langue un volcan de sentiments tus. Avec pudeur pour ne pas offenser les saints protecteurs de la Kabylie, ils élève l’image à son point le plus culminant, d’où son regard servira du gardien des valeurs intrinsèquement lié au verbe. Et dans ce sillage de réflexion sur l’importance de la poésie dans l’expression de ce que la langue profane est interdite de le faire, le grand poète kabyle Si Muhand l’exprime dans ce fragment de poème :

Bourgeon de berbère ,la source est la tienne
Soyons -nous colombe, ou lion
De jour et de nuit ensemble nous veillons.

Ainsi, il a été bercé Idir : bercé par des berceuses aux mains sur lesquelles les sillons d’un epuisable labour sont remplis par la terre si difficile à lui arracher le pain d’un jour. Cette rigidité des mains mêlée aux chants de la berceuse, Idir en a tiré la voix de la lutte et la passion de la terre. Et comme une reproduction féconde de la dernière strophe du poème de Si Muhand, cité ci-haut , Idir a osé la liberté de dire où nous allons ? Une question de destin pour une culture que les tentatives de son extinction ont toujours buté sur l’irrésistible passion des hommes à briser les murs de la soumission et porté l’identité berbère à bras le corps en gravant les échelons de la postérité.

Faucon écoute bien mon message
avant de déployer tes deux ailes
sois de ceux qui comprennent

Par delà la montagne
emporte mes lettres
et raconte à chaque ami

S’il est encore des coeurs qui s’attendrissent
qu’ils se souviennent de moi
enfant prédestiné à l’exil.

Idir et les chants de l’exil

Idir a pris le chemin de l’exil , au début des années soixante-dix : un exil qui ne fut pas un choix mûrement pensé, mais une contrainte tristement vecue et indélébilement inscrite dans la mémoire de l’auteur de Sendou, cet opus en hommage à la mère : la mère genetrice et la mère patrie.

La mère dans les chants d’exil d’Idir est cette messagère du verbe , protectrice des valeurs ancestrales et celle qui veille sur le legs des aïeux. Elle est aussi celle qui remue les hommes pour leur rappeller d’aller cultiver la terre et la défendre contre les innombrables intrus qui guettent la vacuité des lieux pour en prendre possession . Et Idir était durant toute sa carrière l’un des missionnaires choisi par les Saints protecteurs de la Kabylie pour faire résonner la culture berbère dans le monde entier et de rappeler le sacrifice des ancêtres pour ne jamais prêter le flanc de la dignité aux assauts de l’oubli.

En déployant ses ailes dans le firmament de la musique mondiale, Idir avait au préalable écouté le message des ancêtres pour que la transmission des paroles des justes soit écouté sur tous les monts et que sa résonance atteigne toutes les vallées. Et comme nul est prédestiné à un perpétuel exil, Idir revient toujours à la terre des siens, sa terre, pour se ressourcer de la matrice fecondatrice du sol des hommes libres et repartir, ensuite, dans un envol qui se renouvelle sur les ailes de son génie artistique pour rappeler à la terre de l’exil que la déchirure de la séparation se panse par le génie des mots.

Ton chant était un ruisseau
Ton pays était beau
On célèbrera toujours ton nom
Ses quatre lettres
Qui ne prêtent pas leur flanc au vent
Pour ne pas éparpiller la semence de notre mont
Le Djurdjura
Montagne qui ne vibre qu’aux chants des siens
Et fécondité
Aux intarissables tétons.

AREZKI HATEM. In Libre Algérie 07/05/2020

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