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[Vidéo] Lokua Kanza : « Métis Noir-Noir »

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D’origine congolaise par son père et rwandaise par sa mère, Lokua Kanza revendique son « africanité » tout en la confrontant à d’autres horizons culturels.
Rencontre à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Nkolo.

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Lokua Kanza : Retour à l’essentiel (23/03/2010)

Né dans un quartier pauvre de Kinshasa en 1958 au moment où le Congo pose les premières pierres d’une nation libre, le jeune Lokua Kanza ne sait pas encore qu’il deviendra un artiste de renom. A la veille de la commémoration des 50 ans des indépendances africaines, son dernier album, N’kolo, rêve en toute liberté sur fond de voix pygmées et de rythmes lumineux.
La route fut longue pour Lokua, et les chemins tortueux. D’abord l’est du Congo (ex-Zaïre), où son père congolais et sa mère rwandaise tentent tant bien que mal de protéger leurs enfants des récents remous de la libération : « Mon père vient de l’ethnie Mongo, une tribu guerrière, composée de gens puissants qui deviennent soit chasseurs, soit pêcheurs, et ma mère de l’ethnie tutsie, très fragile, très douce. Ils ont donné naissance à cet être bizarroïde que je suis. »
Indépendance Cha Cha
Le 30 juin 1960, après 80 ans de régime colonial, les autorités belges sont contraintes de proclamer l’indépendance du pays, et la nation entière danse au son festif d’Indépendance Cha Cha, véritable hymne à la liberté entonné par l’orchestre de l’African Jazz : « C’est un cri de joie que j’ai joué plus tard dans les bars avec mon groupe, lorsque j’ai appris ce qu’avait été la colonisation. Mais je n’ai pas été touché personnellement par ces bouleversements. Gamin, je ne me souviens pas avoir vu un Blanc, ni avoir entendu une fusillade. Mon enfance s’est déroulée tranquillement, sans que le vent de l’indépendance ne m’effleure. »
Lumumba
Une figure pourtant, évoquée comme un « héros national » par toute une nation avide de briser ses chaînes, reste gravée dans la mémoire de Lokua : Patrice Lumumba. Combattant de la première heure assassiné en 1961, Lumumba crée en 1958 le MNC (Mouvement national congolais) aux côtés d’Adoula, ainsi que d’Ileo et Ngalula, célèbres pour avoir publié en 1956 le Manifeste de la conscience africaine. Invité à la Conférence Panafricaine qui se tient à Accra en décembre 1958, Lumumba déclare : « Malgré les frontières qui nous séparent, nous avons la même conscience, les mêmes soucis de faire de ce continent africain un continent libre, heureux, dégagé de toute domination colonialiste. » Des mots qui marqueront à jamais Lokua : « Pour moi, cet homme représente le grand changement, l’éveil de la conscience africaine. Son discours a été un coup de poignard pour beaucoup de gens, et pourtant il ne disait que la vérité. Aujourd’hui, après 50 ans d’indépendance, les Africains souhaitent sortir de cette léthargie étrange qui touche le continent. On en a marre des guerres qui éclatent dans chaque recoin d’Afrique, marre de la pauvreté dans la rue alors que le problème vient de la répartition des richesses. Chaque homme devrait manger à sa faim et les enfants avoir les moyens d’aller à l’école. Il faut permettre aux gens d’acquérir un savoir pour faire évoluer les mentalités. Cette conscience dont parlait Lumumba ne devrait plus être une citation historique, mais une réalité intrinsèque en chacun de nous. Je rêve de droits basiques pour mon pays. J’espère donc que cette commémoration ne sera pas seulement l’anniversaire d’un évènement passé, mais bien le point de départ de ce qui aura lieu demain. »
Mama Africa
Lokua n’a rien d’un politicien, mais une autre figure de la culture africaine, fervente combattante de l’apartheid, l’a marqué à vie : « A 13 ans, j’ai vu Miriam Makeba au stade de Kin et je me suis dit « voilà la musique africaine que je veux faire ». Cette femme représente l’Afrique moderne. Elle est une sorte de perfection, l’émotion en plus. Je l’ai connue de près, elle était impressionnante d’intelligence, de grandeur, elle savait te faire rire comme te faire pleurer.  » C’est à ce moment-là que Lokua décida de consacrer sa vie à la musique. Puis vint sa rencontre avec Ray Lema, qui lui offrit sa première guitare et deviendra son ami. Puis la France qu’il rejoint en 1984 et à laquelle il rend hommage dans Plus vivant (2005), chanté uniquement en français : « Faire un album en français était un rêve d’enfant. J’ai des papiers français. J’avais envie qu’on me comprenne en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Maroc. Mais c’était une parenthèse. »
L’espoir sous toutes ses formes
Avec N’kolo, il revient aujourd’hui à une pluralité de langues et à une spiritualité qui l’aident à entrevoir son chemin : « Ma langue natale est le lingala, et aujourd’hui je vis au Brésil, où mon quotidien s’exprime en portugais. J’avais envie de chanter dans toutes ces langues qui m’ont vu grandir et je voulais remercier celui qui m’a permis d’en arriver là. Aujourd’hui, je suis indéniablement un privilégié. Mon album s’intitule N’kolo, « Dieu » en lingala. Voilà pourquoi le thème prédominant est la spiritualité. On y retrouve des airs un peu negro-spiritual comme Mapendo. J’avais composé ce morceau pour la BO de Congo River, un film de Thierry Michel. J’y évoque la guerre qui touche l’est du Congo et je rappelle que l’amour que l’on recherche est blotti tout près, au fond de notre coeur. » L’ensemble, enregistré entre Kinshasa, Paris et Rio de Janeiro, traduit l’espoir, sous toutes ses formes : « Même la chanson « On veut du soleil » est à double tranchant. C’est un clin d’oeil joyeux à toute cette vanité que l’on côtoie sans cesse au quotidien, alors que nous ne sommes que poussière. Je voulais en parler, mais de manière légère, positive.  » Il aura fallu trois ans à Lokua pour peaufiner cet album qui accueille, pour une fois, beaucoup de monde : « J’ai vécu l’un des meilleurs moments à Kinshasa : pour la chanson « Famille », j’ai travaillé avec 55 enfants, ils étaient trop choux ! J’ai aussi fait appel à Fally Ipupa, un jeune compatriote en vogue que j’aime beaucoup. Mais je ne suis pas forcément friand de célébrités, je préfère faire découvrir de nouveaux talents, comme mon frère René Lokua ou Kool Mapote, deux voix sublimes connues dans le milieu religieux, qui ont également participé à N’kolo. » Pour autant, il n’oublie pas les fidèles complices, comme Sylvain Luc, « l’un des meilleurs guitaristes au monde », ou encore Thomas Bloch, l’instrumentiste fou, virtuose des Ondes Martenot, du glassharmonica (harmonica de verre) et autres cristal Baschet.
Alors, après toutes ces aventures, comment Lokua se sent-il aujourd’hui ? « Je suis de plus en plus minimaliste. Je recherche une certaine sobriété dans ma musique. Un peu comme un appartement que l’on aurait rempli de plein de bricoles. Dans le mien, j’aurais presque envie de n’y mettre qu’un lit, une chaise, une table. L’essentiel. »
Nadia Aci -Mondomix

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