Bob MARLEY. 30 ans déjà + Vidéo Itw inédite

Trente ans après la mort du Jamaïcain, on a retrouvé l’enregistrement d’un entretien qu’il a donné à Paris, en novembre 1978. Bob Marley a 33 ans, il est au sommet. Robert Schlokoff affiche dix ans de moins. « Journaliste dilettante » et fan de Dylan, il parvient à obtenir une interview du Jamaïcain, de passage à Paris pour la promotion de son double album live, « Babylon By Bus ». Une interview restée inédite pendant… trente-trois ans.

VSD. Pourquoi avoir sorti plusieurs albums en public ?
Bob Marley. Parce que le live, c’est le nectar pour un musicien. Ressentir la puissance de la foule pour faire connaître cette ambiance à ceux qui l’ont jamais vécue, faire connaître ce rythme du reggae, ce rythme qui claque et qui vous étreint, qui vous prend dans ses bras. Les meilleurs moments, ça reste les concerts, voir tous ces gens danser ensemble…
VSD. Essayez-vous de rendre le reggae plus populaire ou est-ce du prosélytisme pour la religion rasta ?
B. M. J’ai abandonné moi-même cette expression de « rasta ». Nous vivons tous sur la même planète, le langage est universel et je ne me considère plus comme un rasta. Je n’emploie plus ces mots. Nous vivons tous sur la même terre…
VSD. Faites-vous une différence entre reggae et rastafarisme ?
B. M. Prends ce verre de vin : peu importe qu’il soit en carton ou en verre, c’est ce qu’il contient qui est important. La vérité est à l’intérieur du verre. C’est pareil avec le rasta. Je ne dirais pas que le reggae et le rasta sont la même chose, non, le reggae amène l’esprit rasta aux gens, c’est la musique qui importe, quelle que soit sa forme. Toutes les chansons sont identiques, la forme importe peu, c’est le contenu, ce que tu racontes qui est important, la manière que tu as de communiquer… Il y a plein de choses que tu entends dans le reggae mais que tu peux ne pas comprendre ; peu importe, ces mots tu les entends et tu les ressens. Il faut s’en imprégner et donc continuer à écouter du reggae. Le reggae, c’est d’abord un rythme, une façon de communiquer, un véhicule, une manière de penser. Peu importe ce que l’on raconte, le reggae, c’est un partage. C’est Dieu qui a décidé de ma présence. Tu ne pourrais même pas m’appeler rasta si Dieu ne l’avait pas décidé ainsi, l’homme n’est rien sans Dieu. Je ne me considère pas comme un leader, juste un messager, un messager de Dieu.
VSD. Le reggae est très populaire aujourd’hui.
B. M. Oui c’est vrai, bien plus que quand j’ai commencé. Il y a des rastas à Paris aujourd’hui, mais aussi en Angleterre, en Afrique. Partout, ils sont partout, c’est la vérité.
VSD. Que pensez-vous du judaïsme, on dirait qu’il a certains liens avec le rastafarisme ?
B. M. Hailé Sélassié (le dernier empereur d’Éthiopie, mort en 1975, NDLR) représente tout ; c’est mon dieu. Alors que pour toi il s’appellera Judas ou autrement, peu importe. Hailé Sélassié représente Judas Maccabée, tous deux enseignent la même chose d’une manière peu différente : il faut se connaître soi-même pour mieux connaître les autres.
VSD. Est-ce que Michael Manley, le Premier ministre jamaïcain, a essayé de vous récupérer, par exemple ?
B. M. Les partis politiques en Jamaïque essayent de nous comprendre, mais je ne suis pas sûr qu’ils y arrivent un jour. C’est Sa Majesté Hailé Sélassié – parce qu’il est le Messie – qui libérera notre peuple.
VSD. Est-ce qu’il existe une compétition entre les chanteurs de reggae ?
B. M. Il y a compétition entre les chanteurs, mais ce qu’il faut comprendre c’est que copier ne sert à rien, chacun doit avoir son propre style. Il n’y a que comme ça que l’on peut se faire respecter. Regarde Sam Cooke : il avait énormément de succès, et pourquoi Otis Redding, Ray Charles ou Curtis Mayfield ont-ils, eux aussi, réussi ? Parce qu’ils n’ont pas cherché à le copier, parce qu’ils se sont forgé un style bien à eux. J’aime le rhythm and blues, c’est ce que j’écoutais gamin. J’ai grandi avec, mais je ne les ai jamais copiés.
VSD. Sur scène, en vous voyant, on pense parfois à James Brown, c’est une énergie assez proche.
B. M. James Brown était mon chanteur préféré quand j’étais gamin, j’ai toujours adoré ce qu’il faisait. Tu me demandais tout à l’heure ce qu’était le rastafarisme, eh bien il t’ordonne d’écouter James Brown et aussi Aretha Franklin. Comment résister ?
VSD. Que représente Babylone (l’Occident, NDLR) pour vous ?
B. M. Babylone, ce sont les gens qui veulent vivre en dehors de la religion et qui ne veulent pas mourir pour Zion (la terre promise des rastas, NDLR). C’est comme l’air que tu respires, il est invisible pourtant il existe puisque tu t’en nourris. Mais si tu le reconnais, eh bien tu deviendras rasta.
VSD. Votre popularité est croissante…
B. M. Et j’espère qu’elle ne va pas s’arrêter : j’adorerais jouer devant cent millions de personnes… si c’était possible.
VSD. Et les gens qui essayent de tirer profit du reggae en le mélangeant avec d’autres rythmes, rock ou disco, pour satisfaire un public plus blanc, qu’en pensez-vous ?
B. M. Je m’en moque. Toutes les musiques sont semblables, ce qui compte c’est l’esprit, que le message rasta passe, on en revient à mon verre de vin du début. Le contenu plutôt que l’enveloppe. Tu peux prendre toutes les mélodies qui existent, sans exception, et les transformer en reggae. Par contre, les gens qui sont nés avec le rock joueront du rock plus naturellement que du reggae, ceux qui sont nés avec le funk auront du mal à jouer du rock ou du reggae. Il faut jouer la musique que l’on aime. Une fois que tu as compris cela, c’est bon. L’esprit rasta c’est d’abord se comprendre. Et comment ça marche ? En passant par Dieu. Il est impossible de se connaître si l’on ignore Dieu.
VSD Par Robert Schlokoff 04/05/2011
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« Rasta Rebel, Bob Marley portrait intime », par David Burnett, éditions de la Martinière.
Pour le trentième anniversaire de la disparition du chanteur, un magnifique portrait photographique présentant Bob Marley durant la tournée Exodus en 1976-1977, sur scène et dans l’intimité.

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