Mercredi, 12 Septembre, 2018 . Le chanteur Rachid Taha est décédé cette nuit d’un arrêt cardiaque pendant son sommeil à l’age de 59 ans.
Naïma Huber-Yahi est historienne, spécialiste de la musique algérienne et maghrébine en France. Elle revient sur le parcours de Rachid Taha et son apport à la chanson française.
En quoi l’irruption du groupe Carte de séjour, en 1981, marque-t-elle une rupture dans l’histoire de la chanson de l’immigration ?
Naïma Huber-Yahi. Cette irruption est nourrie en amont par plusieurs années de mobilisations auprès des militants des luttes portées par les quartiers dès le début des années 1970. Ce « cri » en provenance de la banlieue lyonnaise, ce « rock beur » est né d’un mélange de mobilisations contre les crimes racistes et sécuritaires et de l’engouement pour la musique d’outre-manche. L’avènement de ce « London Calling » à la Française marque une rupture générationnelle forte avec les aînés qui chantaient les affres de l’exil et la nostalgie de la terre natale. Avec Carte de Séjour, les dimensions politiques et esthétiques changent radicalement : le message sera : « On est ici chez nous » et le métissage rock n’roll et langue arabe dialectale propose une nouvelle fusion d’avant-garde réjouissante.
Rachid Taha a tout aussi bien puisé dans le patrimoine musical français que dans la tradition algérienne. Comment cette double filiation a-t-elle influencé d’autres artistes ?
Naïma Huber-Yahi. C’est le premier artiste à revendiquer un patrimoine de l’exil et à permettre sa transmission au plus grand nombre. Ses reprises de « Douce France » (1985) de Charles Trenet puis de « Ya Rayah » (1991) de Dahmane El Harrachi résument à elles seules sa démarche patrimoniale : à la fois d’ici et d’ailleurs, il a fait de sa lutte contre le racisme et les discriminations sa source d’inspiration. En cela, il a permis à plusieurs générations d’artistes issus de l’immigration de se réapproprier cette richesse culturelle et patrimoniale dans leurs créations. Je pense ici à de grands artistes comme Mouss et Hakim, qui rencontrent le succès avec Zebda, pointure du patrimoine musical français et qui n’hésitent pas à se réapproprier le répertoire algérien de l’exil en 2007, pour l’offrir en partage à leur public. Suivra la génération des rappeurs comme le 113, le M.A.P., puis HK et les Saltimbanks et bien d’autres qui inscriront leur création dans cette démarche de réappropriation et de patrimoine.
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« RACHID TAHA A DONNÉ CHAIR AUX COMBATS D’UNE GÉNÉRATION » Naïma Huber-Yahi
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